Bonnard solitaire

Martigny montre des toiles rares

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 487 mots

Après Londres et New York l’an dernier, Pierre Bonnard (1867-1947) fait l’objet d’une nouvelle rétrospective, à la Fondation Pierre Gianadda. Si elle ne peut égaler les précédentes, l’exposition, composée d’une centaine d’œuvres issues principalement de collections privées, n’offre pas moins quelques toiles remarquables, rarement montrées.

MARTIGNY - Né sous le Second Empire, mort après la Seconde Guerre mondiale, Pierre Bonnard est le peintre d’une œuvre à cheval sur deux siècles. L’exposition, si elle couvre la totalité de son travail, laisse peu de place au prophète nabi engagé, aux côtés de Paul Sérusier et de Maurice Denis, à la suite de Gauguin – à qui une rétrospective a été consacrée en 1998 à Martigny –, dans une peinture plane, à la couleur pure, lorgnant vers le décoratif. Elle lui préfère le Bonnard solitaire du XXe siècle, éloigné de toutes les révolutions artistiques : Cubisme, Surréalisme, Abstraction... En effet, le souhait du commissaire de l’exposition, Jean-Louis Prat, directeur de la Fondation Maeght, est de rendre hommage au “garant attentif d’une peinture qui avait en ce siècle plus délibérément oublié, voire ignoré, la passion des couleurs”, saluant “un peintre qui assure une continuité de cette pratique”.

L’ensemble, disposé de façon chronologique, ne peut que confirmer ce dévouement au métier, illustré de façon quasi caricaturale par la Cheminée de 1916. Figurant une femme nue, prise entre deux miroirs et posant devant une odalisque de Maurice Denis, cette grande huile sur toile apparaît comme une allégorie de la peinture, ou plutôt de la vision sans cesse renouvelée de l’artiste face à son modèle.

Une peinture attentive
Concentrée dans “la transcription des aventures du nerf optique”, la peinture de Bonnard est marquée par cet aller-retour constant entre le réel, le peintre et la toile. Ainsi, le Nu accroupi au tub de 1918, référence obligée à Degas, se démarque de celui-ci par une attention accrue aux couleurs, et une variation de la touche, loin de la saisie “photographique” de ce dernier, même si ce tableau est sûrement réalisé d’après un cliché. Cette peinture de l’attention et de l’attente n’est pas éloignée de celle de Cézanne, comme en témoigne Les Pêches, une nature morte de 1916. Mais ainsi qu’il l’admettait lui-même, si le maître d’Aix était “le peintre le plus puissamment armé devant la nature, le plus pur, le plus sincère [...], moi je suis très faible, il m’est très difficile de me contrôler devant l’objet”. Paysages, scènes d’intérieur ou d’extérieur, telle la surprenante Promenade en mer de 1924, ponctuent un parcours où les autoportraits, nombreux à partir de 1930 – cinq sont présentés, dont le dérangeant Boxeur de 1931 –, sont les témoins d’une introspection accrue, au trait travaillé et torturé, proche des toiles de Giacometti, peintre peu connu pour son usage de la couleur.

PIERRE BONNARD

Jusqu’au 14 novembre, Fondation Pierre Gianadda, 59 rue du Forum, Martigny, Suisse, tél. 41 27 722 39 78, tlj 9h-19h. Catalogue 272 p., 39 FS (environ 160 FF).

A lire

Antoine Terrasse, Bonnard, “la couleur agit�?, Découvertes Gallimard, 144 p., 82 F. ISBN 2-07-053474-X

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Bonnard solitaire

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