Artistes retrouvées

L’établissement a passé au crible ses différents fonds, et abouti à ce constat sans appel : sur les 60 000 numéros qu’il conserve, seuls 135 sont attribués à des créatrices. Un chiffre à relativiser car les œuvres médiévales sont anonymes, donc impossibles à « genrer ». On peut se poser la question de la pertinence de cette approche, qui aborde l’art par un biais essentialisant que nombre de ces femmes artistes auraient réfuté catégoriquement. Parmi les expositions prônant la discrimination positive, celle-ci s’en sort cependant par le haut en évitant l’écueil du militantisme forcené. Les commissaires ont, en effet, opté pour un découpage qui mise sur l’intelligence du public, et non sur une victimisation facile. Scandé en trois temps, l’accrochage présente la quasi-totalité des 135 pièces identifiées comme des créations féminines : des tableaux, des sculptures et des dessins, en grande partie restaurés. Autre point positif, le parcours se décline en suivant les trois âges de la vie : la jeunesse, qui décrypte les modalités de formation des artistes, l’âge adulte, avec l’épanouissement des carrières et les thèmes de prédilection dans lesquels les femmes ont souvent été cantonnées et, enfin, la maturité. Cette dernière section est sans doute la plus riche en enseignements, car elle étudie les stratégies de reconnaissance de ces créatrices, leurs réseaux et leur lobbying, qui expliquent leur présence aujourd’hui, en dépit de leur quasi-anonymat. Un oubli dont vont heureusement s’extraire certaines d’entre elles, à l’instar de la peintre Jacqueline Comerre-Paton (1862-1935) ou de la sculptrice Madeleine Jouvray (1859-1955), dont les œuvres ne retourneront pas au purgatoire des réserves une fois l’événement terminé, mais intégreront définitivement les salles d’exposition.