Dominique Boudou

Pour un lieu d’expériences

L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 891 mots

Directrice depuis 1991 de l’Espace d’art concret de Mouans-Sartoux, Dominique Boudou revient sur ses orientations et ses projets.

 Dominique Boudou, vous dirigez l’Espace de l’art concret [EAC] depuis 2001. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivée là ?
Ma venue à Mouans-Sartoux, je la dois indirectement à une très belle rencontre avec Aurelie Nemours, figure emblématique de l’art concret en France. C’est l’histoire d’une amitié, d’un enseignement pourrais-je dire, qui a débuté au début des années 1990, lors d’une visite d’atelier et qui ne s’est jamais interrompu depuis. Nous avions convenu d’une méthode : avant chaque entretien, je lui adressais plusieurs questions sur une thématique donnée. Elle en choisissait une qui servait de voie d’accès à une nouvelle pièce de son « palais de l’innombrable »… Lorsque le poste de direction de l’EAC s’est présenté, je suis allée voir Aurelie Nemours. En pointant les questions justes, elle m’a fait prendre conscience du sens d’un engagement dont je n’avais pas encore mesuré la portée. Historienne et critique d’art, j’avais travaillé pendant douze ans au service des musées de la Ville de Paris, je n’étais pas spécialiste de l’art concret. C’est dans cet « ailleurs » que j’ai trouvé la force de mener à bien le plan cadre de l’ouverture de la donation.

Quelles étaient vos missions et quels ont été vos choix ?
Ma mission générale était d’assurer le développement du projet de l’EAC, autour de l’ouverture de la donation Albers-Honegger. J’ai élaboré et mis en œuvre un projet artistique et culturel fidèle à la philosophie du lieu : « apprendre à regarder, car regarder c’est créer » (Gottfried Honegger), tout en ouvrant le champ expérimental à d’autres disciplines, musique contemporaine, poésie, architecture. Notre pédagogie s’articule autour de trois grands axes : rencontres et questionnements sur l’art et la société dans les expositions de la galerie du château ; mise en œuvre des pratiques artistiques diverses dans les ateliers pédagogiques ; accomplissement, évaluation et observation au préau des enfants. Mon approche de l’art est plus phénoménologique et sociologique que dogmatique et historique. Pendant la période de gestation de l’ouverture de la donation, mes choix se sont ainsi portés vers une sensibilisation du public le plus large aux questions artistiques, scientifiques, politiques, philosophiques, liées à la construction d’un lieu d’art « manifeste ». Les expositions « Chroma », « Nouvelle Simplicité », « Urban Codes » notamment avaient pour vocation d’éveiller l’œil et l’esprit aux phénomènes lumino-chromatiques , spatio-temporels et sociopolitiques urbains. Nous avons multiplié les rencontres avec des artistes, les workshops réunissant des étudiants autour d’un artiste, les outils pédagogiques, les publications, les manifestations annexes. Notre mécénat s’est parallèlement bien développé, tout comme les dons d’œuvres, d’ouvrages ou archives d’artistes.

Dans quelle direction la structure va-t-elle évoluer, avec l’arrivée de la collection, les nouveaux équipements, son nouveau potentiel ?
Il va probablement falloir réfléchir dans les années à venir à la redéfinition de son statut. Ce lieu n’est ni une fondation privée, ni un musée, ni un centre d’art, ni une école d’art, mais un laboratoire de recherche et tout cela à la fois. Notre collection – unique en France – de plus de cinq cents œuvres d’art concret, minimal et conceptuel, en est la colonne vertébrale. Ce patrimoine exceptionnel a un potentiel pédagogique considérable… Nous ne serons jamais assez reconnaissants envers les donateurs. Outre le protocole d’accueil, de conservation, de présentation et de valorisation de la collection que nous avons mis en place, il s’agit maintenant d’aller chercher de nouveaux publics. Avec l’ouverture de la donation Albers-Honegger, nous multiplions par trois nos capacités d’accueil. Notre équipe compte quatorze collaborateurs pour gérer les activités de six bâtiments (galerie du château, donation Albers-Honegger, ateliers pédagogiques, préau des enfants, deux résidences d’artistes), la programmation d’une nouvelle salle de conférences de cent places, d’un centre de documentation important. Plus que jamais, nous sommes un lieu d’expériences.

Quels sont les futures orientations, les projets ?
Chacun sait combien demain est aléatoire… L’EAC est un work in progress. Parmi les projets en cours, figurent le pavillon de musique « pour apprendre à écouter » et le réaménagement du parc du château par Gilles Clément en « bois des transparences ». Le rythme des expositions temporaires va sensiblement varier : deux trimestrielles, une semestrielle. À l’automne 2004 seront présentées « Les avant-gardes polonaises », puis en 2005 « Brésil Concret » et « Art Concret/Art Islamique ». Enfin l’accrochage de la donation évoluera annuellement grâce à certains regards d’artistes, sous la bienveillance de Sybil Albers et Gottfried Honegger.

Lieu et exposition

L’Espace d’art concret regroupe la donation Albers-Honegger, des expositions temporaires dans la galerie du château, des ateliers pédagogiques, le préau des enfants et deux résidences d’artistes. La donation comporte 500 œuvres de 164 artistes. L’exposition « Systèmes de l’art concret » se tient du 17 mars au 10 octobre. Les ateliers pédagogiques offrent un studio son, un atelier multimédia, deux ateliers peinture et un bureau/bibliothèque. Le préau des enfants est le prolongement des ateliers pédagogiques ; il s’ouvre sur la forêt. L’Espace d’art concret est ouvert du 1er septembre au 30 juin de 11 h à 18 h, tous les jours sauf le lundi ; du 1er juillet au 31 août de 11 h à 19 h, tous les jours, y compris les jours fériés. MOUANS-SARTOUX (06), Espace de l’art concret, château de Mouans, tél. 04 93 75 71 50, www.crdp.ac-nice.fr/eac

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Dominique Boudou

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