ARCHITECTURE

Cyrille Hanappe et Olivier Leclercq

1, 2, 3, soleil !

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 661 mots

Soit trois couleurs, le rouge, l’orange et le jaune, pour apporter comme un rayon de soleil dans cet environnement atone que constituent les hauts de l’avenue de Flandre, de la rue Curial et de la rue Archereau, à Paris 19e.

L’avènement du Parc de La Villette n’a pas réussi à structurer ce curieux quartier. Des vagues successives d’immigration lui ont donné ce caractère à la fois multiple et insaisissable. D’autant qu’aux abattoirs de La Villette se pratiquait l’abattage hallal et casher, ce qui a fait naître, ici, un grand nombre de grossistes, d’entrepôts et de magasins au rituel affirmé. Cohabitation douce des décennies durant, mais que le conflit Israélo-Palestinen et certains raidissements identitaires ont transformé en affrontements sporadiques et violents. Les palmiers qui scandent la rue Curial sont sans doute là pour donner une touche exotico-africaine au quartier, mais leur « embétonnement » ne trompe personne. Autre confrontation, celle qui met en présence les nombreux centres d’animation pour jeunes du quartier (Clavel, Curial, Mathis, Rébeval, Place des Fêtes…) et les non moins nombreux groupes de jeunes qui offrent à l’encan tous les paradis artificiels. Aux premiers, le jour, aux seconds, la nuit…
Le réaménagement de l’îlot, qui concerne la rue de Tanger et celle du Maroc, l’ouverture prochaine par la mairie de Paris du 104 (104, rue d’Aubervilliers), vaste centre culturel mêlant les disciplines et les résidences, constituent, entre autres, un véritable effort pour intégrer ce quartier, longtemps déshérité, à la cité.
L’air de rien, le petit Centre d’animation Curial (90, rue Curial, Paris 19e), tout juste réhabilité et augmenté par les architectes Cyrille Hanappe et Olivier Leclercq, participe pleinement de cet effort.
Au cœur de la cité Michelet, formé de hautes tours et de quelques barres peu amènes, le Centre Curial semblait n’être qu’un gros caillou oublié au milieu du passage. Les habitants n’y prêtaient que fort peu d’attention, les jeunes ne s’y pressaient pas et seuls certains soirs, avec leurs prestations musicales où dominaient hip-hop et reggae, mobilisaient au-delà des frontières du quartier. Espace interstitiel plutôt que lieu d’animation, le centre ferma ses portes, promis à une redéfinition tout autant architecturale que fonctionnelle, sous l’impulsion de la Ville de Paris, en association avec la mairie du 19e arrondissement, la Ligue de l’enseignement et les associations de quartier.
Résultat, douze mois plus tard : un véritable rayon de soleil au mitan de la cité Michelet. Avec en point d’orgue, bien sûr, cette façade entièrement redessinée par les architectes, colorée de rouge, d’orange et de jaune, et conclue par un auvent en zigzag, supporté par trois poteaux arachnéens et qui fait fonction d’appel.
Encore de la couleur avec les grilles qui cerclent le Centre Curial et dont la rythmique pourrait être considérée comme un hommage à Soto ou à Buren. Sans oublier le jardin encore en devenir et qui apportera sa touche de vert.
À l’intérieur, toujours la couleur avec des comptoirs et des murs où se mêlent rouge sombre et vert éclatant, bleu léger et gris profond, orange amère et jaune citron…
Et puis, surtout, un redécoupage spatial, correspondant aux nouvelles définitions du Centre, parfaitement réussi. Au rez-de-chaussée, cohabitent un espace d’accueil et d’exposition, une salle d’arts plastiques, un studio de danse, deux lieux dédiés à la musique, un café associatif et une antenne jeune (à vocation d’orientation…) ; au premier étage, se trouvent un espace multimédia, une salle d’activités physiques et sportives et une polyvalente (à vocation de soutien scolaire) ; au sous-sol enfin, le gros morceau : l’auditorium de 150 places assises (290 debout), flanquée d’une salle de répétition et d’un grand studio d’enregistrement où les jeunes du quartier sont conviés à venir concocter leurs « démos ».
Rouvert depuis le 25 février, le Centre d’animation Curial n’a pas retrouvé un nouveau souffle. Il est, tout simplement, né à la vie. Soit, malgré ses petites dimensions (1 412 m2 pour un budget de 1 885 282 euros), une parfaite démonstration de l’adéquation de la forme à la fonction.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : Cyrille Hanappe et Olivier Leclercq

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