Assise acérée

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 10 octobre 2013 - 448 mots

Rien qu’à l’idée de s’asseoir dessus, on en a la chair de poule. Cette chaise baptisée ironiquement Love Me Tender (« Aime-moi tendrement ») est l’œuvre de l’architecte, designer et artiste Didier Faustino, 45 ans.

Elle est constituée de deux éléments joints conçus à partir d’un même tube d’acier inoxydable. Les piètements, eux, sont taillés en pointe,  si bien qu’on grimace déjà à l’idée d’entendre, à chaque déplacement, un crissement telle une fourchette sur un verre. Le moins que l’on puisse dire est que l’objet est… piquant et, sans doute, son auteur un peu « piqué » ? Non, c’est sa manière à lui, Didier Faustino, d’« aiguillonner »  un brin ce monde du mobilier souvent conformiste et,  en outre, d’en interroger sa dimension conceptuelle. L’une des marottes de ce touche-à-tout n’est autre que d’explorer  la mise en tension des corps avec l’architecture : « Ce qui m’intéresse, c’est le rapport à l’intime et au corps », aime- t-il à répéter. Selon lui, cette chaise est si « dangereuse » qu’elle impose la tendresse et la douceur pour sa manipulation. « Love Me Tender veut rendre le corps à nouveau conscient des gestes les plus banals, explique Faustino. Cette épure de chaise conçoit le design comme une faille. Le corps prend possession d’un espace qu’il griffe. Habiter devient un attentat minuscule mais réel, une manière de marquer son territoire ». Aucun doute qu’avec des pieds aussi acérés, il le sera parfaitement… Depuis quelques années déjà, on a pris l’habitude d’observer Didier Faustino jeter des « pavés » dans la mare du confort et  du bon goût. Il bouscule la « normalité » et questionne l’intime avec des meubles qui contraignent le corps dans des positions inhabituelles. Ainsi en est-il du siège « minimaliste » intitulé Hermaphrodite, qui reprend en quelque sorte les caractéristiques d’une selle de cheval. Avec Love Me Tender, Didier Faustino invite aussi à porter  un regard différent sur les objets de notre quotidien, voire – qui sait ? –, à déceler en eux une personnalité jusqu’alors insoupçonnée : « Je travaille beaucoup sur des notions comme l’ambiguïté et la subversion, souligne-t-il.  Mon objectif est de changer les habitudes, de déplacer  les frontières, de travailler le décalage. » Avec une « pointe » d’humour ?

À SAVOIR

L’éditeur français Super-ette propose une nouvelle version de cette chaise Love Me Tender créée en 2000, en deux finitions, chacune limitée à 100 exemplaires. Dimensions : 70 x 55 x 45 cm. Prix : 3 900 € pièce

À VOIR

La chaise Love Me Tender est visible, jusqu’au 4 janvier 2014, dans l’exposition « La tyrannie des objets », déployée dans la Galerie des Galeries, au 1er étage des Galeries Lafayette Paris-9e

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°662 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Assise acérée

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