Profession

Marbrier d’art

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 4 novembre 2005 - 820 mots

Aujourd’hui essentiellement actifs dans le domaine de la restauration, ces artisans d’art perpétuent l’usage des marbres anciens.

Incarnat turquin, campan vert ou sarrancolin des Pyrénées, brocatelle jaune du Jura… Autant de noms poétiques dans un catalogue de marbres qui pourraient dissimuler la triste réalité d’une profession aujourd’hui menacée de disparition. Les chiffres suffisent à s’en convaincre : s’il existait plus d’une centaine de marbriers d’art à Paris en 1900, ils sont aujourd’hui seulement une poignée, dont un seul dans la capitale et quelques autres en proche banlieue (dont la célèbre marbrerie Rouger, jadis installée dans le quartier parisien du Faubourg Saint-Antoine). Le gros de ces « pierreux », formés à la taille du marbre dans les filières des métiers de la pierre, se dirige désormais vers le bâtiment ou les marbreries funéraires, plus lucratifs que l’artisanat d’art.

Aucun conservatoire
Le constat est donc cruel, dans un pays où les marbriers ont connu leur heure de gloire, notamment lorsque Louis XIV engloutissait des sommes colossales pour ouvrir et exploiter des carrières hexagonales dans les Pyrénées ou le Languedoc, faisant de Versailles la vitrine d’un véritable savoir-faire français capable de rivaliser avec les artisans italiens. Pendant des siècles, cet engouement pour le marbre ne s’est pas démenti, générant la production de nombreuses pièces : statuaire, éléments architectoniques, cheminées, dessus de meubles, vasques…, qui ont rejoint les musées ou constituent encore le décor de quelques grandes demeures ou de lieux publics. La restauration de ces œuvres constitue aujourd’hui l’essentiel de l’activité des marbriers d’art, qui n’ont guère l’occasion de s’adonner à la création, par manque de temps souvent mais aussi du fait d’un changement de goût de la clientèle, qui préfère les pièces anciennes. S’ils travaillent toujours pour quelques collectionneurs privés, qui sont toutefois de moins en moins nombreux, l’essentiel des commandes est fourni par les antiquaires. Certains marbriers combinent d’ailleurs les deux métiers, tel le couple Pouillon, installé à Versailles, où François, tailleur de pierre, restaure à l’aide de ses compagnons les cheminées qui sont vendues dans la boutique tenue par son épouse, Christine. « C’est une histoire de famille, nous sommes dans le marbre depuis le XVIIIe siècle, précise cette dernière. Grâce à cela, nous avons pu nous constituer un véritable “trésor de guerre” en héritant d’une importante collection de marbres anciens. » La difficulté principale consiste en effet à retrouver les marbres qui permettront d’effectuer les réparations sur les pièces anciennes, la plupart des carrières étant aujourd’hui fermées. « Cela fait trente-cinq ans que je collectionne des cailloux », confesse Éric Pennel, marbrier et lapidaire à Paris. Aucun conservatoire de matériaux n’a en effet été constitué, alors que des blocs dorment encore dans les caves de quelques musées.

Contact avec les objets
Lorsqu’un client leur apporte une cheminée avec un jambage manquant ou un dessus de meuble cassé – même en mille morceaux –, ces marbriers mettent tout en œuvre pour effacer les outrages du temps. Ils nettoient, polissent, sculptent, réassemblent les fragments avec des colles teintées, qui sont ensuite reprises au ciseau de sculpteur afin de recréer les veines du marbre. « Je n’ai que très peu de machines, juste une ponceuse et une tronçonneuse, explique Christian Caudron, marbrier à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Je n’utilise pas les moulureuses des entreprises du bâtiment. Tout est fait à la main. » Ce savoir-faire et ce goût indéfectible du contact avec les objets permettent à ces artisans de réaliser quelques restaurations prestigieuses, confiées par les musées ou le Mobilier national, plus rarement par des entreprises de monuments historiques. Comment expliquer, dès lors, cette progressive disparition d’un métier au savoir-faire acquis au fil de longues années d’apprentissage ? La morosité du marché de l’antiquité, due à une plus faible fréquentation de la clientèle américaine, est indéniablement responsable de cette récession. Mais, pour Éric Pennel, issu d’une famille d’artisans, le constat est plus amer : « Les gens se bousculent pour voir des œuvres dans les expositions ou les musées, mais on ne leur parle que de ceux qui les ont possédées, jamais de ceux qui les ont créées à la force du poignet. »

Formations

Si un certain nombre d’entre eux se sont formés sur le terrain, les marbriers d’art sont en général des tailleurs de pierre spécialisés. - CAP : Métiers de la pierre ou Tailleur de pierre. Élèves de plus de 16 ans avec un niveau scolaire de 3e. Durée : deux ans. - Brevet professionnel : Métiers de la pierre. Élèves titulaires d’un CAP. Durée : deux ans. - Bac professionel : Artisanat et métiers d’art, option Arts de la pierre. Durée : deux ans. - Brevet de maîtrise : Tailleur de pierre ou Marbrier. Durée : deux ans. Formation en alternance destinée aux ouvriers tailleurs de pierre justifiant de deux ans d’expérience après un CAP. Renseignements auprès de l’Institut supérieur de recherche et de formation aux métiers de la pierre, 4, impasse Cambon, 12000 Rodez, tél. 05 65 68 87 32.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : Marbrier d’art

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