École d'art

L’école des beaux-arts de Chalon en péril

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 6 décembre 2023 - 811 mots

CHÂLONS-SUR-SAÔNE

L’école risque de perdre son accréditation, faute du soutien de sa tutelle selon des sources internes.

C’est par la presse que les professeurs, le personnel administratif et technique ainsi que les étudiants de l’Ecole média art (EMA) du Grand Chalon (Saône-et-Loire) ont appris l’information : l’école pourrait se voir retirer son habilitation à délivrer le diplôme d’État en art. « Une nouvelle qui a l’effet d’un couperet », confie un professeur de l’EMA au Journal des Arts.

Dans les années 2000, l’EMA avait mis en place un Diplôme National d’Art (DNA) reconnu au niveau national par les ministères de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Ce diplôme atteste de la qualité de l’enseignement supérieur dispensé par l’école. Cependant, le Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES), chargé de renouveler l’accréditation de l’école, a récemment émis un avis « réservé » après avoir initialement donné un avis « favorable ». « Cet avis “réservé” signifie qu’il y a encore du travail à faire et que des axes d’action sont suggérés pour progresser dans la bonne direction », a expliqué l’école d’art. « Mais, selon nos recherches, cet avis s’explique surtout par notre statut juridique qui ne permet pas la délivrance d’un avis “favorable”. »

En effet, l’école du Grand Chalon fait partie des écoles n’ayant pas encore adopté le statut d’Établissement Public de Coopération Culturelle (EPCC), permettant l’implication et le contrôle de l’État dans la gouvernance, les contenus pédagogiques, les finances et le fonctionnement démocratique de l’école. Un statut que l’agglomération, sa principale tutelle et son principal financeur à plus de 90 %, refuse de lui accorder. « Le passage en Régie autonome personnalisée (RAP) [en 2009] aurait déjà dû alerter sur le manque de volonté de la collectivité d’adopter le statut d’EPCC », estime le professeur.

En contrepartie, l’école a entrepris de multiples démarches telles que la création d’une classe préparatoire ou la signature de partenariats avec les écoles de Dijon et de Besançon, qui permettaient notamment de reconnaître le DESMA (diplôme d’école de Chalon) comme équivalent au DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique). Ces deux initiatives ont cependant été annulées par l’agglomération en 2016. « D’autres signaux, comme le non-renouvellement de postes, la réduction du poste de directeur à sept heures par semaine, le manque de travaux de réfection des bâtiments et de réaménagement du site de la citadelle, témoignent également de l’abandon de l’école », déplore l’EMA.

La décision de fermer l’école des beaux-arts repose donc principalement sur les épaules du Grand Chalon, qui est également l’employeur du personnel de l’établissement. « Avant même que l’information soit transmise par les ministères, nous savons de source sûre que l’agglomération du Grand Chalon a contacté d’autres établissements d’enseignement supérieur artistique pour leur demander une bienveillance quant à l’accueil des étudiants du Grand Chalon », a révélé l’école. « Mais nous n’en sommes pourtant pas encore là. » La validation ou l’invalidation des diplômes de l’établissement revient au Conseil de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Artistique et Culturelle (CNESERAC) et au Conseil National de l’Enseignement Supérieur de la Recherche (CNESER) d’ici juin 2024.

Dans un communiqué intitulé Le Grand Chalon, fossoyeur de l’École Média Art, le syndicat national des écoles d’art et de design (Snéad-CGT) attribue le manque de communication avec la tutelle à une tentative de celle-ci de « dissimuler sa propre volonté de mettre fin à l’enseignement supérieur de l’École média art derrière une prétendue injonction ministérielle ». Contactée par Le Journal des Arts, la collectivité n’a pas répondu à nos sollicitations.

« Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’école doit continuer à délivrer un diplôme DNA », rapporte un professeur à l’issue d’une réunion interne qui s’est tenue hier (mardi 5 décembre). « Peut-être faut-il lui donner un caractère différent, une mise à jour de sa “mention”, plus actualisée sur des problématiques d’aujourd’hui, mais il faut que ça reste un diplôme national d’art », insiste-t-il, annonçant que des actions allaient être menées prochainement.

L’avis « réservé » intervient peu de temps avant les paramétrages pour Parcoursup, ce qui signifie que l’école ne pourra pas proposer de nouvelles formations à la rentrée de septembre 2024 et donc accepter d’étudiants. Actuellement, 53 élèves suivent le cursus et seront directement affectés par les prochaines décisions. Les cours amateurs, quant à eux, ne sont pas impactés. On relève que le directeur de l’école, Robert Llorca a démissionné cet été alors que son contrat prenait officiellement fin en décembre. Il n’a pas été remplacé.

Cette situation difficile s'ajoute à celle de nombreuses écoles d'art territoriales fragilisées par une crise structurelle et conjoncturelle. Ces établissements peinent à défendre leur modèle face à des collectivités qui ne perçoivent pas leur utilité. L'école d'art de Valenciennes, l'une des plus anciennes de France, est particulièrement touchée et devrait fermer ses portes dans les deux prochaines années.
 

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