Tout ce qui brille…

Un scandale de fausses pièces de monnaie discrédite le Musée de l’or de Lima

Le Journal des Arts

Le 26 octobre 2001 - 590 mots

L’institution la plus fréquentée du Pérou, le Musée de l’or à Lima, est au cœur d’une polémique qui agite le milieu des archéologues mais aussi le gouvernement péruvien. Après de nombreuses analyses et vingt ans de débat, les pièces précolombiennes en or constituant la collection seraient fausses.

LIMA - Inauguré il y a une vingtaine d’années, le Musée de l’or de la capitale péruvienne pouvait s’enorgueillir d’abriter l’une des plus importantes collections d’or précolombien. Pourtant, au cours du mois de juillet, après plus de quatre mois d’enquête menée par les spécialistes de l’Université catholique du Pérou, l’institution a été mise en examen par l’Instituto de Defensa de la Competencia y la Propiedad Intelectual (Institut de défense de la concurrence et de la propriété intellectuelle – Indecopi). En effet, dès les années 1980, l’Indecopi s’est intéressé à l’authenticité contestée des collections du Musée de l’or. Les premiers rapports ont considéré que 85 % des 14 000 pièces métalliques exposées étaient fausses. Au mois d’août, la commission de la Culture du Congrès de la République s’est saisie de ce scandale. Les sanctions – qui n’ont pas encore été prises – pourraient consister en de simples contraventions ou en des mesures législatives impliquant une action directe de l’État, jusqu’alors tenu à l’écart des décisions. Le musée pourrait, par exemple, être obligé de rendre public, par le biais d’affiches, que « des 4 349 pièces métalliques analysées, 4 237 sont fausses et plus d’une centaine a éveillé de forts soupçons concernant leur authenticité ».

Chasseur de tigres et d’éléphants
Le fondateur du musée et propriétaire jusqu’en 1993 de la plus grande collection de pièces en or du pays, Miguel Mujica Gallo, est mort, quelques jours avant que la commission ne se saisisse du dossier. Décrit par la revue Caretas comme « chasseur de tigres et d’éléphants, et plus grand collectionneur d’or précolombien et d’armes du Pérou », Miguel Mujica Gallo, né en 1910, avait été ambassadeur en Autriche et en Espagne, puis très brièvement ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement du président Fernando Belaunde. Au sein de la collection, l’authenticité de certaines pièces avait été mise en doute, dès la première heure, par des membres de la communauté archéologique péruvienne. En 1986, lors d’une exposition au Musée du Canada, des spécialistes avaient émis des réserves sur le Musée de l’or. Dans les années 1990, plusieurs experts de l’Instituto nacional de cultura (organisme responsable des autorisations nécessaires de sortie du territoire du patrimoine archéologique) ont confirmé que de nombreuses pièces étaient fausses. De fait, en 1996, l’analyse des œuvres destinées à être exposées à Bohlingen en Allemagne avait abouti à la conclusion que si certaines pièces étaient authentiques, d’autres avaient été élaborées en unissant des fragments anciens de diverses provenances, tandis que d’autres encore n’étaient que des créations contemporaines dues à des artisans de provinces au nord de Lima. En 1996, une dispute au sein de la famille Mujica Gallo avait révélé le scandale à la presse : les lettres concernant la séparation des biens avaient été publiées par le principal quotidien péruvien, El Comercio. Si Miguel Mujica Gallo avait décidé de déshériter ses sept enfants, il confiait cependant l’administration de la Fondation Mujica à sa fille Victoria, qui en est la directrice depuis janvier 2001. Embarrassée, cette dernière soutient la thèse selon laquelle les assesseurs de cette même Fondation auraient profité de la maladie de son père pour introduire de fausses pièces au sein de sa collection. Ce scandale réserve un sort pour le moins incertain au Musée de l’or de Lima.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°135 du 26 octobre 2001, avec le titre suivant : Tout ce qui brille…

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