Pour se protéger du soleil, un nouvel écran total

Musées, artistes, revues, une sélection de sites pour passer l’été au frais

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 1287 mots

Vacances ou non, l’Internet ne s’arrête pas pendant l’été. Week-end pluvieux, connexion providentielle dans une ville désertée, ou poste laissé libre au bureau par un collègue plus chanceux, la solitude laborieuse est sûrement la meilleure façon d’aborder le Réseau.

Résultats sportifs, proverbes chinois, photographies de charme ou prévisions apocalyptiques, tout est sur l’Internet. Il reste même de la place pour l’art. Bien sûr, un écran d’ordinateur est loin d’être le support rêvé pour la contemplation, un inconvénient renforcé par la taille des fichiers et les temps de chargement qui limitent la qualité des images. Au plaisir des yeux, on préférera celui de la découverte, en rebondissant de page en page sur des sites recelant œuvres, documentations et projets d’artistes.

Solidement ancrés dans la réalité, les musées offrent une porte d’entrée idéale dans le virtuel. Le Louvre (www.louvre.fr), le British Museum (www.british-museum.ac.uk) ou le Metropolitan de New York (www.metmuseum.org), pour les plus connus, les petits nouveaux comme le Musée d’art contemporain de Gand – le Smak – (www.smak.org), la plupart des grandes institutions sont présentes sur la toile. Originellement conçus comme une vitrine, ces sites offrent les services annexes à une visite éventuelle (vente de billets, renseignements...), mais aussi un reflet du lieu : visite virtuelle des collections, plan des salles, histoire du bâtiment et des collections. Ainsi, www.chateauversailles.fr permet d’aborder l’architecture du palais et son histoire, ainsi que les principales personnalités qui l’ont marqué – de Louis XIV au Général de Gaulle, en passant par Napoléon... Comme d’autre lieux (Le Louvre, le Musée d’Orsay, les Champs-Élysées, le palais Galliéra, sur www.smartweb.fr/ fr/paris/360.htm), la demeure du Roi-Soleil , sa cour et sa galerie des Glaces sont présentées sous forme de photographies panoramiques. Pour les passionnés d’architecture, Mérimée (www.culture.fr/documentation/merimee/accueil.htm), la base du ministère de la Culture qui recense le patrimoine monumental français, met à disposition 140 000 notices. Parfois austère, le site reste accessible au grand public avec des itinéraires plus richement illustrés. Sur le site de la Caisse nationale des monuments historiques (www.monuments-france.fr), les monuments nationaux, propriétés de l’État, bénéficient de larges notices et d’illustrations.

À l’étranger, www.capitolium.org, uniquement en anglais et en italien, est consacré aux ruines du Forum romain. Visite, histoires et, clou du spectacle, une vue imprenable sur le lieu : une webcam (caméra numérique connectée à l’Internet) dirigée vers le Forum permet de contempler jour et nuit la ville Éternelle. À l’inverse de ces pierres chargées d’histoire, le Webmuseum (www.southern.net/wm) n’existe que pour et par le Réseau. Comme tout musée, il propose des expositions temporaires – “Cézanne”, “Les Très riches heures du duc de Berry” – et un accrochage permanent, “Famous painting”. Accompagnées de commentaires exclusivement en anglais, les images couvrent l’art occidental du gothique tardif de Grünewald au Pop’art, et une sélection d’œuvres japonaises – peintures, gravures, architectures – y a été adjointe. Les reproductions, d’une qualité convenable, fournissent une belle base d’images numérisées pour décorer un fond d’écran ! Dans un registre plus scolaire, Artlex (www.artlex.com), lui aussi dans la langue de Shakespeare, offre un dictionnaire de 2 800 termes artistiques. Les articles bénéficient astucieusement de la navigation hypertexte et sont l’occasion de nombreux liens : une statue de Gudea, conservée au Louvre, illustre “diorite” et renvoie au département des Antiquités orientales du musée.

Chercheurs et étudiants trouveront aussi une aide utile sur le site du futur Institut national d’histoire de l’art (www.num-inha.edu). Réunissant dates de colloques et de conférences, bibliographies et missions du futur institut, cette vitrine internationale ne peut être qu’amenée à s’enrichir. La période contemporaine est couverte par l’astucieux bulletin de veille thématique du Musée d’art contemporain de Montréal (media.macm.qc.ca), calqué sur les services de veille technologique. Des institutions spécialisées dans l’art contemporain, comme le Magasin à Grenoble (www.magasin-cnac.org) ou le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur (www.internovae.com/frac), profitent d’une galerie virtuelle pour montrer une partie de leur collection, avec des œuvres de Pierre Joseph, Fabrice Hybert ou encore La Très Grande Administration Démocratique de Nieck Van De Steeg.

Contributions personnelles
Au-delà des institutions, le Réseau, qui donne à chacun la possibilité d’apporter sa contribution, véhicule parfois des ressources inédites. Des sites monographiques proposent l’avis de passionnés sur des artistes. Ainsi, “Malevich on line” (www.citeweb.net/malevich) permet d’aborder l’œuvre de Kasimir Malevitch, ses théories suprématistes, mais aussi la politique artistique en Russie après la Révolution. Parfois, un tableau peut être l’occasion d’une page Web : Les bergers d’Arcadie, œuvre maîtresse de Nicolas Poussin, fait l’objet d’une nouvelle interprétation iconographique (perso.infonie.fr/etinwebego) – ce n’est pas la première fois –, visant à démontrer que la toile est un plan codé d’Herculanum, démonstration rigoureuse à l’appui. Tout le monde est bien sûr invité à donner son avis sur la question.

Par sa flexibilité et sa diffusion, il n’est pas étonnant que l’Internet soit le lieu rêvé pour la diffusion d’interprétations audacieuses ou de l’œuvre d’artistes encore méconnus. Amusants, les “webrings” – ensemble de sites constitués en cercle à l’aide liens hypertextes – favorisent la consultation : passage de site en site ou choix au hasard sont permis par “L’anneau francophone du Web Art” (pages.infinit.net/galine). Attention, le contenu y est varié. Pour une découverte moins aléatoire, Artcom (www.artcom.tm.fr) mélange jeunes créateurs et “valeurs sûres”, en invitant chaque mois un artiste reconnu et un “coup de cœur” (respectivement Keiichi Tahara et Vladimir Cruells, en juin).

Un art du Réseau
L’Internet est aussi un outil de création. Loin du simple rôle de support qui lui est souvent assigné, le Réseau participe ainsi à la création d’un art prenant en compte ses possibilités et spécificités. En collaboration avec le Musée Ludwig à Cologne et le Centre pour l’image contemporaine de Saint-Gervais, le Centre Georges Pompidou a consacré à cet art et à ses antécédents – performances, art vidéo... – une “Encyclopédie des nouveaux médias” (www.newmedia-arts.org). Encore limitée pour l’instant, la base devrait s’enrichir, mais elle montre d’ores et déjà des extraits de films et des vidéos d’artistes d’horizon divers, tels Jean-Luc Godard, Peter Fischli et David Weiss ou Bruce Nauman. Si Nirvanet (www.nirvanet.fr) n’est pas uniquement consacré aux arts plastiques, il reste une adresse de référence pour les cultures électroniques et offre de nombreux liens vers la sphère technoïde.  L’artiste australien Stelarc, tenant d’un art “cyberpunk” qui prône l’hybridation entre l’homme et la machine, est l’un des héros de cet âge de l’information et de la technologie. Sur son site (www.stelarc.va.com.au), répertoire et compte-rendu de ses performances, il proclame que “le corps est obsolète” et y expose le sien, relié par des électrodes, aux risques du Réseau. Avec plus de recul, au rythme de deux parutions par an, la revue virtuelle Synesthésie (www.metafort.com/synesthesie) confronte les “démarches créatives aux potentialités des technologies numériques”, sans pour autant céder à la fascination aveugle. Le dossier actuellement en ligne s’attaque à la “transsensorialité” : on y trouve plasticiens, recettes de cuisine et critiques, regroupés sous forme de rhizomes. Comme les espaces d’artistes associatifs, des groupes ont trouvé sur le Réseau un territoire vaste, propice à la création. C’est le cas d’Icono & compagnie, qui présente sur son site (www.icono.org) de nombreuses œuvres – Pierre Giner, par exemple – utilisant dans leur grande majorité le multimédia. De son côté, la Villa Arson, à Nice, propose une exposition d’un nouveau type : “Lascaux 2” (www.lascaux2.org), du 25 juin au 25 septembre, exclusivement sur l’Internet, le centre étant fermé au public cet été. Le site sera “son double numérique, sans béton ni galet, ouvert au monde entier sur le World Wide Web”, relayant en temps direct, par l’intermédiaire de webcams, le travail des artistes invités à réfléchir sur ce nouvel espace, sans centre ni périphérie.

L’amateur d’art trouvera également son bonheur sur les listes de discussion, nombreuses dans le domaine culturel (www.cru.fr/listes/culture.html), qui permettent d’échanger informations et considérations distinguées par courrier électronique, histoire de ne pas finir l’été seul.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Pour se protéger du soleil, un nouvel écran total

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