Biens spoliés

Nouveau chapitre pour les « MNR »

Le Journal des Arts

Le 16 avril 2004 - 630 mots

À la demande d’Israël, la France est sur le point de lui prêter 14 œuvres « MNR ».
À la seule condition que la Knesset adopte une nouvelle législation...

 PARIS - Quatorze tableaux de maîtres anciens et impressionnistes, pillés par les nazis chez leurs propriétaires juifs et aujourd’hui dans les musées français, devraient être prêtés à Israël. Ce geste pourrait être le premier d’une longue série car une nouvelle liste, incluant plusieurs centaines d’œuvres d’art confisquées par les soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale et mises à disposition pour un prêt à long terme à Israël, serait en préparation à la direction des Musées de France (DMF).

« De manière provisoire »
Un sérieux obstacle a cependant retardé de plusieurs années la conclusion de cet accord. La France a en effet insisté sur l’adoption par la Knesset, le parlement israélien, d’une nouvelle législation qui protégerait les peintures de toute demande de restitution formulée par Israël. Les officiels français ont rencontré leurs homologues israéliens au mois de mars afin de négocier les termes d’un accord supposé imminent. Un représentant de l’ambassade de France à Tel Aviv nous a confié que « les deux parties avaient une forte volonté de trouver une solution. Une nouvelle loi devrait bientôt être adoptée ».
Nous avons eu accès à une liste confidentielle de 14 tableaux concernés (lire l’encadré) dont la valeur totale s’élèverait à des dizaines de millions d’euros, parmi lesquels figurent des œuvres signées Claude Monet, Alfred Sisley et Henri Fantin-Latour provenant notamment du Musée de Louvre et du Musée d’Orsay. Ces tableaux ont été sélectionnés par Israël sur une liste de 2 000 œuvres d’art récupérées en Allemagne et conservées par l’État français.
Sur l’estimation de 100 000 œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale, 61 233 ont été récupérées et restituées à leurs propriétaires ou revendues aux enchères. En 1949, les 2 000 œuvres non réclamées en France ont pris la désignation de « Musées nationaux Récupération (MNR) » et ont été placées « de manière provisoire » sous l’égide de la direction des Musées de France. Une fois les œuvres réparties dans tous les musées nationaux, leur origine est tombée dans l’oubli jusqu’à 1997, date où la presse divulgua un rapport confidentiel préparé deux ans auparavant par la Cour des comptes. L’indignation s’était alors emparée de la communauté juive de France. La révélation selon laquelle les œuvres étaient non seulement dans les musées français mais aussi dans de nombreux bureaux et appartements privés ministériels ne fit qu’attiser la polémique. Le Premier ministre de l’époque, Alain Juppé, demanda à Jean Mattéoli d’étudier la question des biens spoliés. Alors président du Conseil économique et social, ce dernier est à l’origine de la proposition de prêt faite à Israël dès 2000, et aujourd’hui sur le point d’aboutir.

Les 14 chefs-d’œuvre « MNR » concernés

Hippolyte Bellangé, Scène galante, Musée du Louvre, Paris ; Peter Binoit, Mets, fruits et verres sur une table, Musée du Louvre, Paris ; Henri Fantin-Latour, Fleurs et fruits, Musée d’Orsay, Paris ; Pierre Gobert, Femme en costume de fantaisie tenant un masque, Musée des beaux-arts, Rennes ; Stanislas Lépine, Bords de rivière, Musée d’art et d’industrie, Saint-Étienne ; Claude Monet, Champ de coquelicots, Musée des beaux-arts, Rouen ; Pierre Auguste Renoir, Nature morte aux pommes, Musée Renoir, Cagnes-sur-mer ; Philippe Rousseau, Nature morte aux huîtres et au verre de vin, Musée des beaux-arts et d’histoire naturelle, Valence ; Alfred Sisley, Allée des peupliers aux environs de Moret-sur-Loing, Musée des beaux-arts Jules-Chéret, Nice ; Alfred Sisley, Le chemin des Petits-Près à By. Temps d’orage, Musée des beaux-arts Jules-Chéret, Nice ; Floris G. van Schooten, Nature morte au jambon, Musée du Louvre, Paris ; Dirck van Delen, Intérieur de palais, Musée des beaux-arts Denys-Puech, Rodez ; Matthias Withoos, Nature morte, Musée de l’Ain, Bourg-en-Bresse

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : Nouveau chapitre pour les « MNR »

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