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POLITIQUES CULTURELLES MONDIALES

Les États-Unis de retour à l’Unesco en 2024 ?

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 17 avril 2023 - 744 mots

Après s’en être retirés sous Donald Trump pour des raisons politiques, les États-Unis envisagent de réintégrer l’organisation internationale.

Antony J. Blinken, secrétaire d'État des États-Unis. © U.S. Department of State, 2021, public domain
Antony J. Blinken, secrétaire d'État des États-Unis.

Washington D.C. Le 23 mars dernier, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, défendait devant le Sénat américain le budget 2024 du Département d’État. Y figurait une somme de 150 millions de dollars destinée à l’Unesco, que les États-Unis ont pourtant quittée le 1er janvier 2019. Blinken a déclaré que « les États-Unis doivent revenir à l’Unesco » et contribuer à son financement. Car depuis plusieurs années, les États-Unis ont suspendu leur contribution financière (environ 80 millions de dollars par an), avant même de quitter l’organisation internationale en 2019. Principal contributeur au budget de l’Unesco (22 %), l’Amérique avait gelé ses versements en 2011 sous le président Obama après l’entrée de la Palestine comme État membre, en vertu d’une loi de 1990. En effet, les États-Unis ne peuvent pas financer une organisation internationale qui compte comme membre la Palestine « tant qu’une solution au conflit entre Israël et la Palestine n’a pas été trouvée ».

C’est donc un motif politique qui a été avancé en 2011, comme en 2018 lorsque l’administration Trump a annoncé quitter l’Unesco : le Département d’État avait déclaré que celle-ci souffrait de « biais anti-Israël de longue date ». Là encore, la question des relations entre les États-Unis et Israël justifiait la décision américaine, mais celle-ci était en préparation depuis l’élection de Trump. En effet, en juillet 2017 l’administration Trump avait critiqué la décision du Comité du patrimoine mondial d’inscrire la vieille ville de Hébron (Cisjordanie) au nom de la Palestine et non d’Israël : les autorités israéliennes y voyaient « une décision délirante ». Sans surprise, le départ des États-Unis en 2019 s’était accompagné de celui d’Israël, dont le ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, décrivait l’Unesco comme « un théâtre de l’absurde ». Le Japon, le Brésil et la Grande-Bretagne avaient aussi cessé de verser leur contribution en 2017 et 2018, période troublée pour l’Unesco. En 2017 la directrice générale sortante, Irina Bokova, avait déploré « une perte pour le multilatéralisme ». Sa successeuse, Audrey Azoulay, avait pourtant déclaré que « les États-Unis ne sont pas l’alpha et l’oméga de l’Unesco » à la fin 2017, avant d’assouplir par la suite sa position.

Une dette à apurer

Cet épisode n’est cependant pas unique dans l’histoire de l’organisation, car dès les années 1970 certains pays dont les États-Unis l’ont temporairement quittée, ou ses comités : il est en effet possible d’en rester « membre observateur permanent » et de continuer à y siéger. En 1984, le président Reagan avait décidé de quitter l’Unesco qu’il accusait de complaisance avec l’URSS, suivi par la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher (jusqu’en 1997). L’argument financier avait également été avancé, allié à la dénonciation d’une « bureaucratie bouffie »… Revenus en 2002 pour renforcer leur présence internationale après le 11-Septembre, les États-Unis ont versé leur contribution financière, mais n’ont pas apuré leur dette. Qui plus est, la suspension du financement en 2011 avait entraîné la perte du droit de vote américain dans les instances de l’Unesco en 2013 : la décision de Trump n’a donc fait qu’entériner la perte d’influence des États-Unis au sein de l’Unesco.

Car, en leur absence, d’autres puissances ont assis leur influence diplomatique et politique, notamment la Chine qu’Antony Blinken mentionne d’ailleurs dans sa déclaration au Sénat. Dans le numéro publié en janvier 2021 de la revue Foreign Policy, la chercheuse Kristen Cordell plaidait déjà pour un retour à l’Unesco afin de contrer l’influence chinoise, car la Chine était devenue le principal contributeur de l’organisation (17 % environ). L’autrice citait aussi des actions récentes de la Chine visant à asseoir son influence. Ainsi la déclaration sur la protection du patrimoine signée par plusieurs pays africains témoigne-t-elle de l’emprise de la Chine sur un domaine d’expertise de l’Unesco. Idem avec la tentative de déménager à Shanghaï le Bureau international d’éducation, agence centrale de l’Unesco pour l’aide à l’éducation à laquelle tient beaucoup le Département d’État. Kristen Cordell suggérait que les États-Unis posent des conditions à leur retour, comme un audit des comptes de l’Unesco par le Département d’État – difficile à mettre en œuvre –, ou une réduction de la contribution américaine à 15 % du budget annuel. Pour l’instant, Antony Blinken peut simplement s’appuyer sur un amendement à la loi sur la Palestine voté en décembre 2022, valable jusqu’en 2025, qui permettrait aux États-Unis de revenir légalement à l’Unesco après la Conférence générale de novembre 2023. Reste la question de la dette, puisque les arriérés des États-Unis s’élèvent à plus de 600 millions de dollars.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Les États-Unis de retour à l’Unesco en 2024 ?

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