Multimédia

Le ZKM : un observatoire multimédia à Karlsruhe

Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 1130 mots

Actif depuis 1989, le Centre pour les arts et la technologie des médias (ZKM) de Karlsruhe constitue le fleuron du multimédia en Allemagne. Son directeur, Peter Weibel, s’inspire du Centre Pompidou et du Musée d’art moderne
de Stockholm pour faire du ZKM une institution artistique d’avant-garde.

KARLSRUHE (de notre correspondant) - Le Centre pour les arts et la technologie des médias (ZKM) de Karlsruhe est une institution polymorphe. Inauguré en 1989, il abrite à la fois une collection d’œuvres multimédia, un musée d’art contemporain, un théâtre, une école de musique, une école de l’image et une médiathèque. Depuis 1997, il occupe une ancienne usine de munitions comprenant un bâtiment de 300 mètres de long, ponctué d’une série de cours couvertes. Peter Weibel dirige et coordonne les diverses activités du ZKM depuis 1999. À la fois artiste, commissaire d’exposition et théoricien des médias, cet Autrichien a aussi été directeur du Festival Ars Electronica de Linz et commissaire du pavillon autrichien de la Biennale de Venise (1993-1999) : “Ici, nous ne proposons pas d’expositions à thème. Nous les construisons autour d’une problématique qui nous semble d’actualité. Le ZKM incarne l’expérience artistique d’avant-garde. Ce n’est pas seulement un musée, mais aussi un centre pour la création et la recherche, même s’il remplit toujours les fonctions classiques d’un musée – réunir des collections, éditer des catalogues, organiser et présenter des expositions, etc. Nous produisons aussi des œuvres d’art acoustiques et visuelles, et donnons aux artistes qui travaillent avec les nouveaux médias la chance d’accéder à une technologie de pointe : nous jouons également un rôle de conseil et leur apportons un soutien financier. La comparaison avec l’Institut Max-Planck est justifiée car nous sommes également engagés dans la recherche scientifique : nous avons un département consacré à la recherche fondamentale et un département de développement Net/Web.” Peter Weibel déplore cependant que le ZKM soit si dépendant du bon vouloir des politiques locaux. “Il est bien évident que je préférerais exposer notre collection d’art mulimédia plutôt que celle du Museum für Neue Kunst (MNK), mais nous devons satisfaire nos bailleurs de fonds. Notre collection reste donc dans les réserves jusqu’à nouvel ordre.”

Le ZKM fait office de label, de maison de production
Le “Musée des médias” est un musée expérimental, entièrement interactif, qui présente de nouveaux médias en testant leur fonction et leur fonctionnalité.

“Le Musée des médias, explique Peter Weibel, doit être constamment réactualisé car ses éléments sont vite dépassés. Le rôle d’un musée est de conserver, mais dans le cas présent, nous devons aussi nous assurer qu’un objet donné a, outre ses caractéristiques innovantes, une valeur artistique. Les nouveaux médias sont focalisés sur le perfectionnement ; seul un objet pourvu d’une valeur artistique pourra survivre.” Le ZKM comprend également une médiathèque, ouverte aux étudiants et au public, réunissant une collection considérable d’enregistrements de musique électro-acoustique, de vidéos et d’ouvrages de la littérature du XXe siècle. “L’art ne se limite pas à un seul support. Nous sommes le seul musée d’Allemagne à n’avoir aucune limite en ce qui concerne les supports, autant du point de vue matériel que pratique. Par exemple, nous avons un département de musique parce que les images animées sont souvent accompagnées de son. Nous mettons à la disposition de nos artistes tout le matériel nécessaire à la réalisation d’une bande-son...” Le ZKM fait ainsi office de marque, de label, de maison de production. Outre les fonds qu’il reçoit des autorités locales et de la ville de Karlsruhe (16 millions de marks – 53,6 millions de francs), mais aussi du Fonds européen pour les projets individuels, il est également capable de dégager ses propres sources de financement. Récemment, il a été sollicité par Sony et Volkswagen, et a conçu pour ce dernier un pavillon à la Foire de Hanovre. Particulièrement fier de son département de recherche, Peter Weibel s’est inspiré du Centre Pompidou et du Moderna Museet de Stockholm. “L’un de nos champs de recherche est la technologie de l’image du futur, en d’autres termes : le futur du cinéma. Les recherches sont centrées sur le spectateur et sur la construction d’un nouveau style narratif mettant en œuvre les nouvelles technologies. En tant qu’institution nous sommes en relation avec des pays étrangers, et pourtant, nous sommes étroitement liés à la ville de Karlsruhe et à la région de Bade-Württemberg. Ce serait certainement plus commode si nous travaillions dans une région plus centrale, comme à Paris par exemple... Mais nous collaborons avec plusieurs institutions à l’étranger, telle que les presses du MIT [Massachusetts Institute of Technology].”

En ce qui concerne l’art multimédia, Peter Weibel insiste sur le fait qu’il se distingue par un composant narratif et critique essentiel qui implique la participation du spectateur. “L’art qui aura marqué le XXe siècle est l’art abstrait, libéré de référentiels. Je ne conçois pas que l’on puisse continuer à produire de l’art abstrait durant les cent ou deux cents ans à venir. Cet art n’est plus pertinent aujourd’hui car il n’a aucun besoin d’être référentiel, il est devenu purement décoratif. Dans le passé, il y a cinq cents ans, et jusqu’à la fin du XIXe siècle, les artistes étaient des spécialistes : ils étaient les seuls capables de produire des images. Il y a cent cinquante ans, avec l’avènement de la photographie, l’art a perdu sa prérogative de ‘référence’ et sa fonction de ‘faire voir aux gens’. Aujourd’hui, ce sont les médecins, les astronomes et autres scientifiques qui nous montrent les images les plus importantes... Quel est le champ de référence pour les artistes d’aujourd’hui ? Les mass médias, par exemple, comme dans le travail de Douglas Gordon ; la mode, avec Vanessa Beecroft... Au même moment, les musées développent des stratégies pour attirer les visiteurs... modèles nus, sport, etc. Pour survivre, l’art a cherché à s’allier aux mass médias pour capter les foules. Rem Koolhaas dessine actuellement les nouvelles boutiques de Prada. Une autre possibilité consiste à s’associer aux opposants à la mondialisation. L’artiste peut décider de s’engager pour des causes sociales, économiques, politiques ou scientifiques. Nous, les artistes multimédias, nous pouvons établir des rapports avec le monde que les nouvelles technologies et le nouvel ordre économique sont en train de changer, mieux que les artistes travaillant sur les supports traditionnels. La question est la suivante : voulons-nous encourager le ‘turbocapitalisme’ avec notre travail, ou préfèrerions-nous nous poser en critiques ?”

Souriez vous êtes filmé

Intitulée “La rhétorique de la surveillance de Bentham à Big Brother�?, l’exposition actuelle du ZKM se penche sur les moyens de surveillance mis en œuvre par nos sociétés modernes. Une cinquantaine d’œuvres contemporaines sont rassemblées pour évoquer, du modèle architectural du “panopticon�? aux circuits vidéos et aux systèmes d’écoute, le contrôle permanent permis par les nouvelles technologies. Jusqu’au 24 février 2002, ZKM, 19 Lorenzstraße, Karlsruhe, tél. 49 (0) 721 100 0, www.zkm.de

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Le ZKM : un observatoire multimédia à Karlsruhe

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