Inondations

Le patrimoine les pieds dans l’eau

Par Eva Bensard · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 2003 - 634 mots

Dans le Sud-Est de la France, musées et monuments ont souffert des intempéries et de la crue historique du Rhône.

SUD-EST - Le scénario des inondations dans le bassin du Rhône était déjà écrit. C’est du moins ce qu’il ressort du rapport sur les crues du Rhône remis en décembre 2002 au préfet de la région Rhône-Alpes. Lancée en 1993-1994 (après les inondations de Camargue) à la demande du ministre de l’Environnement, cette étude indiquait notamment que « les digues du palier d’Arles, entre Beaucaire et Fourques, ne [pouvaient] résister à une crue supérieure à la crue centennale ». Et proposait la mise en œuvre de mesures d’urgence. Mais cette préconisation est restée lettre morte.

Évalués entre 150 et 200 millions d’euros, les dégâts récemment provoqués par la crue historique de ce fleuve (d’une puissance de 13 000m3/seconde) ont été avant tout humains et économiques, mais aussi culturels. En Arles, en Avignon et à Marseille, plusieurs musées ont été victimes des inondations ou des intempéries. Conseillère pour les musées de la direction régionale aux Affaires culturelles PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), Françoise Beck cite : « en Arles, le Musée des beaux-arts (Musée Réattu), le Musée Arlaten et le Musée de l’Arles antique ; à Marseille, le Musée Cantini, le MAC, le Musée d’histoire et le Musée de la mode, et en Avignon le Musée Calvet et le Musée du Petit-Palais ». Dans la plupart des cas, ce sont les réserves qui ont pris l’eau, et aucun dommage direct sur les œuvres n’a été constaté. Ainsi au Musée de l’Arles antique, où les réserves en sous-sol (heureusement vides) ont été littéralement inondées, ou au Musée de la mode de Marseille, dont les 6 000 costumes et accessoires ont frôlé la submersion. « Jusqu’à leur déménagement l’année prochaine, nos collections sont conservées dans un entrepôt inadapté à cet effet, qui a laissé s’infiltrer les eaux de pluie. Celles-ci ont ruisselé sur nos archives papier (des patrons des années 1980) et sur tout notre matériel d’exposition (vitrines, mannequins) et d’emballage, qui est hors d’usage », raconte la conservatrice Sylvie Richoux. Mais, dans d’autres établissements, les dégradations ont été plus sévères, comme au MAC/Galeries contemporaines des musées de Marseille, où il a fallu écoper 5 à 10 cm d’eau dans les salles d’exposition – les installations de Stan Douglas, Claude Lévêque et Ann Veronica Janssens « barbotaient » dans cette piscine improvisée –, et au Musée d’histoire de Marseille, où le plafond s’est écroulé sur une maquette de four ancien !

En Languedoc-Roussillon, les musées semblent avoir moins souffert, à l’exception du Musée archéologique de Lattes (près de Montpellier), dont les réserves ont été inondées. Les monuments historiques auraient également été épargnés. En région PACA, « certains édifices et sites archéologiques ont été touchés, mais il n’y a pas eu de dégâts énormes », affirme Jean-Christophe Simon, le conservateur régional des monuments historiques. Les pluies torrentielles ont notamment généré l’effondrement d’une portion de remparts en Avignon et à Courthézon, tandis que la crue a atteint la cour basse du château de Tarascon, situé en bord de Rhône (tout le système électrique est à refaire). Des bouleversements importants ont également été signalés à Glanum, qui restera fermé jusqu’au 1er avril. « Sur ce lieu où convergent les eaux des Alpilles, l’accumulation des eaux de pluie a creusé et raviné le circuit de visite, désormais inexistant », explique Véronique Legrand, administrateur de Glanum, du château de Tarascon et de l’Hôtel de Sade. Des travaux d’urgence (nettoyage, étaiement…) vont être lancés sur ces sites, lesquels sont actuellement exposés à un autre danger : l’arrivée du gel. Comme le souligne Jean-Christophe Simon, « il faut maintenant surveiller les maçonneries et les pavements en brique et en terre cuite qui, dilatés par l’eau, risquent de se fissurer ou d’éclater sous l’effet du gel ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°183 du 19 décembre 2003, avec le titre suivant : Le patrimoine les pieds dans l’eau

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