États-Unis - Justice

La justice américaine ne tranchera pas le conflit sur un trésor médiéval acquis par les nazis

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 5 février 2021 - 472 mots

WASHINGTON / ÉTATS-UNIS

La Cour suprême des États-Unis a donné raison à l'Allemagne, mercredi, dans un dossier impliquant le trésor des Guelfes, une importante collection d'art médiéval acquise par le régime nazi auprès de marchands d'art juifs.

Croix des Welf, XIIe siècle, appartenant au trésor des Guelfes et conservée au musée des arts décoratifs de Berlin. © FA2010, Public domain
Croix des Welf, XIIe siècle, appartenant au trésor des Guelfes et conservée au musée des arts décoratifs de Berlin.
Photo FA2010

Ses neuf sages ont jugé à l'unanimité que la justice américaine ne pouvait pas, en vertu du principe de souveraineté nationale, intervenir dans le conflit entre Berlin et les descendants de ces marchands, qui réclamaient 250 millions de dollars en réparation de ce qui fut, selon eux, une « vente forcée ».

« En tant que Nation, nous serions surpris - et nous pourrions même initier des représailles -, si un tribunal allemand allouait des millions de dollars à des Américains pour des violations des droits humain commis par le gouvernement des Etats-Unis il y a des années. Il n'y a pas de raison que la réaction de l'Allemagne soit différente si les tribunaux américains se prononcent dans ce dossier », ont-ils justifié. Croix en or finement ciselée, pièces d'orfèvrerie, somptueux reliquaires... L'objet du conflit porte sur des œuvres religieuses créées entre le XIe et le XIVe siècles, aujourd'hui exposées dans un musée berlinois.

Peu avant le krach de 1929, trois marchands d'art juifs de Francfort avait acheté ce trésor au duc de Brunswick, descendant de la maison des Guelfes. Sur un marché sinistré, ils avaient réussi à en revendre la moitié à des collectionneurs américains. En 1935, deux ans après l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler, ils avaient cédé, à bas prix, la quarantaine de pièces restantes à l'Etat prussien, alors dirigé par Hermann Goering, le fondateur de la Gestapo.

« C'était simplement impossible en 1935 pour un commerçant juif (...) d'obtenir un accord honnête avec celui qui a peut-être été le plus grand voleur d'art de toute l'histoire », avait déclaré à l'AFP en décembre le petit-fils d'un de ces marchands, Jed Leiber.

Leurs descendants avaient donc effectué en 2014 une demande de restitution en Allemagne. Une commission consultative avait toutefois estimé que le prix de la vente reflétait la situation du marché de l'art et qu'il ne s'agissait pas d'une vente forcée. Les héritiers s'étaient alors tournés vers la justice américaine en s'appuyant sur une loi de 1976 qui interdit les poursuites au civil contre un gouvernement étranger, sauf en cas d'expropriation.

L'Allemagne avait immédiatement introduit des recours pour stopper la procédure, arguant que cette loi ne s'appliquait pas à ce dossier puisqu'il s'agissait d'une vente entre Allemands sur le sol allemand. Après des revers en première instance et en appel, elle s'est tournée vers la Cour suprême des Etats-Unis, qui lui a finalement donné raison.

« Nous avons déjà rejeté dans le passé des tentatives d'insérer les lois modernes sur les droits humains dans l'exception à la loi de 1976, aussi horribles qu'aient pu être les abus », notent-ils dans leur arrêt. « Nous le refaisons aujourd'hui ».

Cet article a été publié par l'AFP le 3 février 2021.

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