Jacques Henri Lartigue, photographe

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 4 décembre 1998 - 402 mots

Reconnu tardivement, Jacques Henri Lartigue (1894-1986) a vu ses premières monographies paraître d’abord aux États-Unis, grâce à l’appui de John Szarkowski, directeur du département de photographie du Musée d’art moderne de New York, et de Richard Avedon, puis en Suisse. Nathan/Delpire le célèbre aujourd’hui avec un livre-culte, grand format, photographies pleine page, voire sur double page, somptueusement imprimées par Jean Genoud à Lausanne. Plaisir des yeux et hymne à la joie de vivre.

Dans son texte d’introduction, Vicki Goldberg rappelle que les Lartigue avaient de l’argent, ce qui aide, mais aussi des idées, ce qui est plus rare. Ils étaient “doués d’un sens de l’aventure et de beaucoup de chaleur”. Le petit Lartigue reçoit la photographie comme un don de Dieu, et puisqu’il aime ce Bon Dieu, il est persuadé – il l’écrit dans son journal – “qu’il sera toujours heureux grâce à lui”. Comme le héros du Tambour, il ne veut pas grandir, préfère la protection du monde de l’enfance dont il imagine trop bien la triste fin. Dans cet art de vivre, tout n’est qu’amusement. “Il observa la fin de la Belle Époque d’un point de vue idéal : celui d’une famille privilégiée, dotée d’une passion jubilatoire pour la conquête de la vitesse et les progrès technologiques des transports”, relève Vicki Goldberg. Il photographie les premiers meetings d’avions sans moteur, des courses de motos, des grands prix automobiles. Il est ravi que son appareil puisse saisir des gens qui dévalent les escaliers, qui se défoulent en sautant au-dessus de chaises… En 1904, à vingt ans, il découvre la possibilité de faire des surimpressions et réalise des photographies de “fantômes”. Il est ébloui par l’élégance des robes, des chapeaux, des gants : pour Vicki Goldberg, Lartigue aura été sans le savoir le premier photographe de mode. Même si l’homme est seul face à une mer déchaînée, il porte, chez Lartigue, chapeau sur la tête et manteau sur le bras. Il ne faut pas s’attendre de sa part à la moindre critique sociale – seule, parfois, l’ironie affleure – ou chercher l’image d’un autre monde que celui auquel il appartenait. Lartigue chassait les mauvais souvenirs et embellissait les bons. Le livre porte avec justesse en exergue cette phrase de Montesquieu : “Il faut se faire un bonheur qui nous suive dans tous les âges”.

Jacques Henri Lartigue, photographe, texte de Vicki Goldberg, Nathan/Delpire, 126 photographies, 288 p., 450 F. ISBN 209-754 199-4

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : Jacques Henri Lartigue, photographe

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