De Memling à Magritte

Les grandes expositions de 1998

Le Journal des Arts

Le 16 janvier 1998 - 831 mots

Outre les inévitables centenaires à célébrer, deux manifestations majeures en Belgique permettront de partir à la découverte du patrimoine ancien en reliant la tradition artistique à l’histoire.

Les musées de Bruges proposeront, à partir du 15 août, une visite au cœur du XVIe siècle brugeois qui rompt avec l’image de lent déclin et de mort qu’avait consacrée le XIXe siècle. Bruges s’y révélera comme une ville à échelle humaine, où l’existence semble bien paisible en regard des crises qui traversent ce siècle tourmenté. Capitale intellectuelle acquise à l’humanisme érasmien et à la tolérance, et bien que détrônée économiquement par Anvers, Bruges n’en reste pas moins un carrefour commercial et financier qui autorise le maintien d’un haut niveau artistique. L’exposition s’ouvrira sur des œuvres de Memling et de Gérard David qui témoignent d’une identité bâtie sur la tradition des primitifs du XVe siècle. Tout en s’attachant aux conditions économiques et sociales de la production artistique, elle réservera une place importante au problème de l’ita­lia­nis­­me et à l’accueil des principes de la Renaissance. En cette période de crise, mais aussi d’ostentation, les Stra­danus et autre Pourbus connaîtront dans la seconde moitié du siècle un succès international qui les amènera à quitter Bruges pour s’installer à Londres, Florence ou Munich. Avec eux, une page se tourne tandis que la peinture brugeoise, métamorphosée au contact du Maniérisme, se découvre européenne.

Les archiducs Albert et Isabelle
À l’exposition de Bruges répondra celle organisée à Bruxelles par les Musées royaux d’Art et d’Histoire. Consacrée au règne des archiducs Albert et Isabelle (1598-1621), la manifestation permettra de dresser un bilan d’une période qui a mis un terme aux guerres de religion ayant conduit à la séparation entre les calvinistes des Provinces-Unies et les catholiques des Pays-Bas méridionaux, restés fidèles à Philippe II. Après des épisodes aussi tragiques que le sac d’Anvers en 1576, ce règne sera celui de la pacification et de la reconstruction, illustré tant par les œuvres d’art que par le contexte historique qui sera largement évoqué. La peinture, la sculpture, l’architecture, les arts décoratifs témoignent d’un esprit de cour qui, en cette fin de XVIe siècle, manifeste une aspiration à l’idéal classique en même temps qu’aux fastes à venir de l’âge baroque.

Magritte, le sel de l’esprit belge
Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique inaugureront la série des commémorations avec la rétrospective Magritte qui jouit déjà d’une large promotion. L’attente du public face à cette célébration semble en effet à ce point importante qu’elle pourrait infirmer les prévisions des plus grincheux, qui ne voyaient aucune utilité à organiser une énième rétrospective après celles de Londres, Montréal ou Düsseldorf. Imposante par son envergure – près de 350 œuvres –, l’exposition a aussi une valeur symbolique. Fait rare dans le Royaume, elle révèle une identification que les Belges semblent aujourd’hui tentés d’opérer entre une sensibilité collective et l’imaginaire du peintre. Exposer Magritte en ces périodes troublées, où la politique belge elle-même s’illustre par un certain surréalisme, s’imposait. L’intérêt de la rétrospective se situe au-delà de ce qu’elle apportera sur le plan scientifique et intellectuel. Y a-t-il d’ailleurs encore quelque chose à dire de neuf sur Magritte ? Chacun pourra retrouver là ce mélange de dérision réfléchie et de provocation conformiste qui, de Magritte à Broodthaers en passant par Panamarenko ou Jacques Charlier, fait le sel de l’esprit belge puisque celui-ci existe.

L’imaginaire de Rops
Magritte est né en 1898, l’année où Rops mourrait à Essonnes, près de Paris. De l’un à l’autre, le lien, sans être direct, n’en est pas moins révélateur d’une liberté de pensée qui fertilise leur imaginaire propre. Le Musée Félicien Rops ne pouvait manquer de célébrer cette date qui correspondra à une extension et un réaménagement total de l’institution. Intel­ligemment, Bernadette Bonnier a préféré réserver l’idée de large rétrospective pour des terres où Rops reste à découvrir. Pour Namur, ville natale de cet artiste qui y resta longtemps maudit, l’accent sera mis sur un pan original de sa production. Une soixantaine des Cent légers croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes gens seront réunis pour rendre compte de ce projet ambitieux qui accapara l’artiste entre 1878 et 1881. Commandé par le bibliophile Noilly, il s’agit en fait d’œuvres abouties qui recoupent l’ensemble de l’imaginaire de Rops. On y découvrira un artiste singulier qui dépasse largement le cadre du satanisme. Son regard y trouve tantôt l’acuité sociologique d’un Balzac, tantôt la légèreté érotique d’un maître du Néo-rococo.

MAGRITTE, 6 mars-28 juin, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, rue de la Régence, Bruxelles. Information tél. 32 2 508 32 11 ; Internet http://www.fine-arts-museum-be.

DE MEMLING À POURBUS. BRUGES AU XVIe SIÈCLE, 15 août-6 décembre, Oud-Sint-Janshospitaal, Bruges. Information et réservation tél. 32 50 44 66 44.

ALBERT ET ISABELLE, 17 septembre-17 janvier 1999, Le Cinquantenaire, Musées royaux d’Art et d’Histoire, Parc du Cinquantenaire, Bruxelles, tél. 32 2 741 73 00.

FÉLICIEN ROPS. LES CENT LÉGERS CROQUIS SANS PRÉTENTION POUR RÉJOUIR LES HONNÊTES GENS, 12 septembre-11 octobre, Musée Rops, 12 rue Fumal, Namur, tél. 32 81 22 01 10.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : De Memling à Magritte

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