États-Unis - Musée

DIVERSITÉ

À Chicago, l’Art Institute vire tous ses bénévoles

Le musée a remercié ses 82 guides bénévoles, pour la plupart des femmes blanches retraitées, pour « diversifier » sa politique de médiation. Depuis, la polémique ne désenfle pas.

Chicago. Les musées se font chaque jour un peu plus la caisse de résonance des grandes tensions qui traversent la société américaine, en particulier depuis que la mort de George Floyd à Minneapolis (Minnesota), il y a un an et demi, a ravivé les grandes fractures raciales du pays. Comme beaucoup d’autres institutions culturelles, l’Art Institute de Chicago (Illinois) a fait, ces derniers mois, des questions d’égalité et de diversité l’une de ses priorités. Dernier effort en date, le musée a annoncé mettre fin à son programme de médiateurs bénévoles, jugé trop peu suffisamment inclusif. Depuis, il se trouve au cœur d’une intense tempête médiatique.

Dans la plupart des grands musées américains, les guides qui accueillent les scolaires et font visiter les collections au public sont des volontaires passionnés : on les appelle les docents. Alors qu’à travers les États-Unis les institutions tentent de diversifier leur gouvernance, leurs équipes et leurs programmes, l’Art Institute a décidé de se séparer de ses 82 docents, pour la plupart des femmes blanches à la retraite. Dans un courrier qui leur était adressé le 3 septembre dernier, Veronica Stein, une représentante du musée en charge de l’accueil des publics, explique vouloir impliquer « des voix plus diverses » dans la médiation culturelle du musée et tester un nouveau modèle reposant sur des guides salariés à temps partiel : « Nous avons pour responsabilité de rebâtir le programme des médiateurs pour permettre aux membres de la communauté de tous niveaux de revenus d’y participer. » Elle espère attirer des candidats qui n’avaient pas la « flexibilité financière » suffisante pour faire du bénévolat.

« Débat de politique identitaire »

La polémique ne s’est pas fait attendre. Dans un édito, quelques jours après la décision du musée, qualifiant la lettre de « sournoise » et prenant la défense des docents, le prestigieux Chicago Tribune dénonce « un groupe vulnérable dans la structure du pouvoir progressiste actuelle ». The Federalist, célèbre média conservateur, n’hésite pas à parler de « discrimination anti-Blancs » dont il impute la responsabilité à ce qu’il nomme la « secte woke ». « Au nom de ce qu’il appelle “diversité civique”, le musée a jeté par-dessus bord un groupe de personnes qui voyaient paradoxalement comme un devoir d’aider le public à mieux comprendre l’art. Voilà qui n’est pas très civique »,écrit pour sa part le Wall Street Journal.

James Rondeau, directeur de l’Art Institute, ne cache pas sa surprise devant l’ampleur que prennent les critiques : « Nous ne nous attendions pas à ce que cela devienne le sujet d’un débat de politique identitaire. » Il ajoute que le programme en question était, depuis plusieurs années, dans le viseur pour sa logistique complexe et qu’aucun nouveau bénévole n’avait été recruté depuis douze ans.

Le conseil des docents a demandé au musée de revenir sur sa décision : « Nous sommes d’accord que le musée, de bas en haut, doit mieux refléter la communauté chicagolaise qu’il sert,écrit-il dans un courrier adressé à James Rondeau. Mais nous croyons aussi que notre connaissance, notre enthousiasme, notre engagement peuvent nous amener à atteindre notre objectif commun de faire du musée un endroit plus accueillant pour chacun. »

Caravage

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : À Chicago, l’Art Institute vire tous ses bénévoles

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