Brésil - Vandalisme

À Brasília, un premier bilan des saccages

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 19 janvier 2023 - 838 mots

BRASÍLIA / BRÉSIL

Les dommages matériels causés le 8 janvier par les bolsonaristes sur les œuvres d’art et le mobilier des trois principales institutions du Brésil sont déjà estimés à plusieurs millions d’euros.

Brasília (Brésil). Les bolsonaristes qui s’en sont pris le 8 janvier, au cours de violentes manifestations, au palais présidentiel du Planalto, à la Cour suprême fédérale et au siège du Congrès à Brasília ont causé d’importants dégâts matériels, notamment sur du mobilier rare, des œuvres d’artistes modernistes brésiliens et des objets offerts au Brésil par des pays étrangers.

Le palais du Planalto, qui avait été entièrement rénové entre 2009 et 2010 et meublé de pièces de mobilier signées Oscar Niemeyer (1907-2012) et de 700 pièces environ du designer Sérgio Rodrigues (1927-2014), a été particulièrement visé. De nombreux meubles ont été dégradés par les bolsonaristes. Au rez-de-chaussée se trouvait également une galerie ornée de photographies d’anciens présidents de la République : aucun portrait n’est resté accroché au mur et presque tous ont été endommagés. La photographie de l’ancien président, Jair Bolsonaro, n’a pas été retrouvée.

Le Joueur de flûte, une sculpture en bronze de Bruno Giorgi estimée à 44 000 euros, a été entièrement détruit. Un tableau du même artiste, Bandeira do Brasil (1995), a été retrouvé flottant sur l’eau qui inondait le rez-de-chaussée du palais. Les vandales ont également détruit la pendule Louis XIV fabriquée par Balthazar Martinot, horloger de Louis XIV ; elle avait été offerte par la cour du Roi-Soleil à la couronne portugaise et apportée par le roi Joao VI au Brésil en 1808.

Au troisième étage, le bureau de travail de Juscelino Kubitschek, ex-président brésilien à l’origine de la construction de Brasília en 1960, bureau réalisé par Niemeyer, a été utilisé comme barricade par les émeutiers pour bloquer l’accès des forces de l’ordre. Les Mulâtres (1962) du peintre moderniste brésilien Di Cavalcanti, un tableau estimé à 1,4 million d’euros, a été très endommagé : sept entailles ont été effectuées dans la toile. La sculpture murale de Frans Krajcberg, créée à partir de branches de bois et estimée à 53 000 euros, a été brisée à plusieurs endroits. Plusieurs cadres de photographies accrochés dans le couloir donnant accès aux salles des ministères, et des objets et meubles du salon de la première dame, Janja da Silva, ont été brisés.

Au palais du Congrès national, la Chambre des députés a également été vandalisée, notamment la galerie des cadeaux des chefs d’État et des autorités étrangères, dans le salon vert. Sur les quarante-six présents exposés, deux vases en porcelaine, de Chine et de Hongrie, ont été détruits, ainsi qu’un œuf d’autruche du Soudan. Une œuvre en or et perles du Qatar, une autre en or et parsemée de cristaux Swarovski donnée par l’Inde et un ballon de football dédicacé par Neymar ont été volés. Le mur sculptural du salon vert, réalisé en 1976 par Athos Bulcão, a également été abîmé, ainsi qu’un vitrail.

Nombre d’objets d’art ont aussi été partiellement détruits telles la maquette du Congrès national et la sculpture Maria, Maria (1980) de Sônia Ebling qui a été frappée avec une massue. La Ballerine (1920) en bronze de Victor Brecheret, estimée à 53 000 euros par le marchand Evandro Carneiro, a été retrouvée brisée sur son socle. Une sculpture à l’effigie de l’homme politique Ulysses Guimarães réalisée par Clauberto Santos a également été dégradée, ainsi que le panneau rouge du même sculpteur, localisé au Sénat fédéral (situé dans l’autre aile du palais), qui a été rayé. La Chambre des députés estime à 5,3 millions d’euros au moins les dommages causés aux biens publics dans son édifice, dans un rapport préliminaire.

Des bâtiments classés pris pour cible

La liste complète des objets détruits à la Cour suprême fédérale n’a pas encore été publiée, néanmoins un fauteuil du designer polonais – naturalisé brésilien – Jorge Zalszupin a été retrouvé dans la rue, ainsi que les armoiries de la République ; celles-ci se trouvaient initialement accrochées sur le mur de la salle d’assemblée plénière, relate le Jornal Nacional. La statue de La Justice (1961), du Brésilien Alfredo Ceschiatti, sur la place des Trois-Pouvoirs, a aussi été abîmée.

À cela s’ajoutent les dégâts causés à trois bâtiments signés par Niemeyer et classés par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. Les vitres du palais des Congrès ont été brisées et celles de la Cour suprême sont couvertes de graffitis. Le coût total de leur remplacement est estimé à près de 18 000 euros. La porte du bureau du juge du Tribunal suprême fédéral, Alexandre de Moraes, qui avait enquêté sur l’ancien président, et le banc de vote en plénière de la Chambre des députés font partie des biens saccagés.

« Les dommages causés par les actes de vandalisme atteindront des centaines de millions de reais, le simple calcul de la valeur des objets endommagés sera une tâche ardue », a déclaré Fernando Mendes, président de l’Institut Sérgio-Rodrigues, à la suite de l’annonce des premières estimations de dégâts. Plusieurs années seront nécessaires, selon lui, avant que les intérieurs des palais ne soient entièrement rénovés.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°603 du 20 janvier 2023, avec le titre suivant : À Brasília, un premier bilan des saccages

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