Arnault Brejon de Lavergnée : Un prince du baroque

Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2004 - 808 mots

Manifestation phare de Lille 2004, l’exposition que le Palais des beaux-arts consacrera ce printemps à Rubens rassemblera quelque 170 œuvres de l’artiste. Un tour de force qui n’avait jamais été tenté en France.

Renouant avec son passé flamand – au XVIIe siècle, Lille appartenait aux Pays-Bas du Sud –, la Capitale européenne de la culture 2004 célébrera à partir du mois de mars le génie créateur de Rubens. Autour des tableaux déjà en sa possession, le Palais des beaux-arts réunira environ 170 toiles, esquisses à l’huile, dessins et tapisseries illustrant les divers talents de l’artiste, à l’aise dans tous les genres comme dans tous les formats. Commissaire général de l’exposition et ancien directeur du Musée des beaux-arts de Lille, Arnault Brejon de Lavergnée présente les points forts de cette rétrospective prochaine.

Quel est le propos de cette exposition ?
Donner de Rubens l’image la plus complète et fidèle qui soit. Il s’agit d’une exposition très ambitieuse, qui n’avait jusqu’ici jamais été tentée en France, parce que Rubens est un artiste intimidant en raison de son caractère protéiforme. La rétrospective tentera de montrer les multiples activités de l’artiste, qui fut à la fois peintre, écrivain et diplomate (son activité de collectionneur sera pour sa part mise en lumière à la Rubenshuis d’Anvers). Elle mettra également en évidence la variété de son talent – qui s’exprime dans les tableaux de chevalet comme dans les grands décors –, sa maîtrise des différents genres (peinture d’histoire, portrait, paysage…) ainsi que la genèse de son œuvre (à travers des dessins, esquisses, modelli…). Je n’ai pas la prétention de changer la vision que l’on a de Rubens, mais j’espère que les confrontations, parfois inédites, proposées entre les œuvres stimuleront amateurs, chercheurs et historiens de l’art.

Comment s’organisera le parcours de visite ?
Il s’agit d’un parcours chronologique très structuré, qui comprend cinq volets. Débutant sur l’Adam et Ève conservé à la Rubenshuis, une huile sur panneau encore classique exécutée avant 1600, la première section sera consacrée aux débuts du peintre auprès de son maître anversois Otto Venius (1559-1629) et à son séjour en Italie (1600-1608). Les commandes de la bourgeoisie réalisées après son retour d’Italie sont l’objet de la deuxième section, qui présentera des œuvres profanes (portraits, paysages, œuvres mythologiques). Autre grand commanditaire de l’artiste, le clergé est au cœur de la partie suivante, qui accordera une attention toute particulière aux œuvres destinées aux églises et couvents du Nord de la France. Mais Rubens fut aussi le peintre d’Albert et d’Isabelle, régents des Pays-Bas espagnols, de Marie de Médicis, Charles Ier d’Angleterre et Philippe IV d’Espagne, ce qui explique qu’une section soit consacrée au mécénat aristocratique et princier. Enfin, l’exposition montrera le talent de décorateur de Rubens, qui créa les cartons de quatre séries de tentures (Decius Mus, l’Histoire de Constantin, le Triomphe de l’Eucharistie et l’Histoire d’Achille). Le Palais des beaux-arts réunira sept de ces tapisseries, provenant de lieux prestigieux comme le cloître des Delcazas Reales à Madrid ou les Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles.

Quels sont les prêts dont vous êtes le plus fier ?
Parmi les tableaux majeurs figureront Le Fils prodigue du Musée des beaux-arts d’Anvers, la Charrette embourbée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, Guerre et Paix de la National Gallery de Londres, Samson cassant les mâchoires du lion, prêté par un collectionneur privé de Madrid, Romulus et Rémus, provenant de la Pinacothèque capitoline à Rome, ou encore le Paysage avec saint Georges, conservé à Buckingham Palace.
D’une manière générale, la collaboration avec Madrid (le Prado), Saint-Pétersbourg (l’Ermitage), Vienne (le Kunsthistorisches Museum) et Rome (la villa Borghèse, les Musées capitolins…) a permis de réunir des œuvres importantes. En tout, l’exposition compte 50 prêteurs, et autant de négociations...

Quelles sont les œuvres que vous regrettez de n’avoir pu obtenir ?
Le Samson et Dalila de la National Gallery de Londres ainsi que les esquisses préparatoires au cycle de Marie de Médicis, conservées à Munich.

Qu’est-ce qui différencie cette rétrospective de la grande exposition organisée à Anvers en 1977 ?
La mise en exergue de l’importante activité de Rubens pour les églises du Nord de la France, la présentation de sept tapisseries tissées d’après ses cartons – une grande première en France –, et enfin la révélation du Rubens paysagiste, pan moins connu de sa production. L’exposition ne montre pas ses grands paysages conservés à Londres, qui sont impossibles à déplacer, mais réunit environ cinq ou six œuvres témoignant de ce genre, dont le remarquable Paysage avec saint Georges, exposé pour la première fois en France.

Vie et œuvre de Rubens

1577 Naissance à Siegen (Westphalie). 1594-1598 Élève du peintre Otto Venius. 1600-1608 Voyage en Italie. 1609-1621 Peintre à la cour d’Albert et d’Isabelle. 1622 Cycle pour Marie de Médicis. 1629 Projets de décor pour le palais de Whitehall (Londres). 1636 Philippe IV lui commande plus de 60 toiles. 1640 Rubens s’éteint dans sa demeure anversoise.

RUBENS 2004, 6 mars-14 juin, Palais des beaux-arts, place de la République, 59900 Lille, tél. 03 20 06 78 00, tlj sauf mardi 11h-19h, vendredi 11h-21h, réservations au 03 20 06 78 61, ou à la Fnac, tél. 0892 684 694, www.fnac.com. Pour les forfaits week-end et court séjour Rubens, tél. 03 20 21 94 21. Anvers s’associe à « Rubens 2004 » La ville flamande sera, à partir du mois de mars 2004, le théâtre de plusieurs expositions consacrées à Rubens. - Du 6 mars au 13 juin : « Une maison d’art, Rubens collectionneur » réunit à la Rubenshuis une partie des œuvres possédées par le maître et retrouvées grâce à l’inventaire de ses biens, soit des tableaux de Titien, Tintoret et Van Dyck, des dessins, gravures et sculptures antiques, sans oublier des gemmes, monnaies et médailles. Tél. 32 3 201 15 55. « Une passion pour les livres, Rubens et sa bibliothèque » reconstitue la bibliothèque de l’artiste au Museum Plantin-Moretus. Tél. 32 3 221 14 50. « De Delacroix à Courbet, Rubens en discussion » montre, au Musée des beaux-arts d’Anvers, l’influence du peintre sur le courant romantique et réaliste au XIXe siècle. Tél. 32 3 238 78 09. - Du 8 mai au 1er août : « L’invention du paysage » illustre, au Musée des beaux-arts d’Anvers, l’évolution de la peinture flamande de paysage de Patinir à Rubens. - Du 12 juin au 12 septembre : « Copyright Rubens, Rubens et l’art graphique », au Musée des beaux-arts. « Rubens en noir et blanc, graphiques de reproduction 1650-1800 », à la Rockoxhuis (Maison de Rockox), tél. 32 3 201 92 50. « Rubens et l’illustration des livres » au Musée Plantin-Moretus, tél. 32 3 221 14 50.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : Arnault Brejon de Lavergnée : Un prince du baroque

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque