Balthus en sa Villa

L'ŒIL

Le 1 avril 2001 - 370 mots

Pour ouvrir ce numéro spécial consacré à l’Italie, quoi de plus naturel que d’évoquer l’œuvre du comte Balthazar Klossowski de Rola, grand ordonnateur de la Villa Médicis de 1961 à 1977, et récemment disparu. De son passage voulu par André Malraux, l’Académie de France à Rome a gardé les stigmates. C’est Balthus en effet qui choisit le gris-beige « à l’éponge » si vivant des murs de la Villa. C’est lui qui lança une grande campagne de restauration des bâtiments, retrouvant, grâce à la ténacité de la jeune restauratrice Géraldine Albers, la volière peinte à fresque dans l’ancien studiolo où Ferdinand de Médicis recevait ses maîtresses. C’est lui qui, dans les jardins, fit installer un moulage du groupe des Niobides envoyé à Florence en 1770 et ériger une copie de l’obélisque central. Claude Roy rappelle que « tout en rajeunissant les règles du concours, l’ouvrant non seulement aux peintres, sculpteurs et musiciens, mais aussi aux écrivains, aux historiens d’art, aux cinéastes, aux photographes et aux restaurateurs d’œuvres d’art, il organise, dans des salles intelligemment conçues, des expositions importantes. Balthus, appuyé sur Malraux, redonne vie et éclat à une Académie de moins en moins académique ». Pendant ces années romaines, absorbé par ses nouvelles fonctions de restaurateur et d’animateur, Balthus ne peignit que les trois toiles intitulées Les Trois Sœurs et la célèbre Chambre turque, désormais conservée au Centre Pompidou. Sur cette dernière, on retrouve, scrupuleusement reproduits, les carreaux de faïence qui tapissaient la pièce aménagée par Horace Vernet au dernier étage de la Villa.
Et, lorsqu’il conçut l’inoubliable rétrospective Balthus à Beaubourg en 1983, Jean Clair, également auteur du catalogue raisonné paru chez Gallimard, souligna l’influence des peintres du Quattrocento sur une toile comme La Rue. Photographies à l’appui, il évoquait les liens mystérieux entre certains de ses détails et tel visage tout droit sorti de l’Histoire de Théophile peinte par Masaccio à la Chapelle du Carmine à Florence ou telle posture puisée dans la Galerie des Chantres sculptée par Luca della Robbia. Car Rome et l’Italie ont profondément marqué Balthus. Tout comme les peintres du Grand Tour que célèbre ce mois-ci le Grand Palais. Tout comme nombre d’artistes d’aujourd’hui qui passèrent (ou non) en la Villa de Monsieur Balthus.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°525 du 1 avril 2001, avec le titre suivant : Balthus en sa Villa

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque