La Maison des arts

Malakoff (92)

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 16 janvier 2014 - 417 mots

Un Père Noël peluchant, ventousé aux fenêtres par des moufles en Skaï, tient son poste à la guérite du Centre Bus de Malakoff.

Entre deux étoiles en mousse, les billes rivées sur l’entrepôt, la vigie compte les heures ; littéralement. Les traîneaux de la RATP dès avant l’aube sont partis en tournée. L’horloge digitale, immense, plantée sur le garage comme la devise républicaine sur le fronton de nos mairies, fend la LED grisaille. À 16:58:45, 46, 47, 48, 49, il fait sombre déjà. La nuit tombe en plein jour. Bientôt les travailleurs gagneront leur maison et les bus, sans bêler, les uns derrière les autres laisseront roupiller leurs pneus au bercail. Chacun chez soi et la routine est bien gardée, derrière sa ceinture rouge. À Malakoff, la rue François-Coppée, partie de l’avenue Pierre-Brossolette, se jette à quelques pas de là dans cette avenue du 12-Février-1934. Le tiercé populaire-résistant-socialiste, selon des lois de trigonométrie qui n’appartiennent qu’à l’histoire, forme un triangle d’or pile au milieu duquel se tient debout contre les règles d’urbanisme une ancienne demeure bourgeoise. Ainsi sur son îlot-jardin à la française, en vis-à-vis d’un Pizza Hut et d’une pharmacie, flotte la Maison des arts. Elle est, pour la forme uniquement, pareille à ces gâteaux américains qui semblent davantage sortis d’une imprimante 3D que d’un four pâtissier. Kitsch dès après qu’elle a vu le jour sur un ancien pavillon de chasse du duc de La Vallière, la maison bâtie en 1845 est l’œuvre d’un recueil de Nicolas Durand.

De cette « Architecture pour les nuls » publiée avant l’heure au tournant du XIXe siècle, on a fait pour un certain Monsieur Bertault un bâtiment qui « sert au rez-de-chaussée de magasin et orangerie et au premier étage de logement et de salle de billard ». Vendue en 1877 à la Compagnie des tramways de Paris, en 1920 au département de la Seine puis en 1923 à la préfecture de police, la curieuse villa ravit l’œil de Malraux un jour qu’il s’en va promener dans la vallée de Chevreuse. Classée puis rachetée par la ville de Malakoff, elle devient Maison des arts en 1993. Aude Cartier veille au mirage de sa noblesse désuète, perpétuée dans un village gaulois. D’une maison bouffie comme les mansions néoclassiques campant le luxe hollywoodien – après tout Malakoff ne fut-elle pas d’abord une « Nouvelle Californie » ? –, la directrice a fait une pension pour l’art actuel, le lieu de la banlieue où plus qu’ailleurs est mise en œuvre l’intense proximité. 

Où ?
La Maison des arts, 105, avenue du 12-Février-1934, Malakoff (92).

Comment ?
maisondesarts.malakoff.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : La Maison des arts

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