Livre

Mémoires

Daniel Cordier, un combattant

Par Mathieu Oui · L'ŒIL

Le 22 avril 2024 - 327 mots

En 1946, après s’être engagé dans la résistance (il fut le secrétaire de Jean Moulin), Daniel Cordier, alias ­Caracalla (1920-2020), entame une nouvelle vie, celle d’un « amateur d’art ».

« J’ai aimé sans contraintes et sans système, écrit dans ce dernier volume de ses mémoires celui qui sera collectionneur puis galeriste. Je n’avais d’autre but que de regarder et de comprendre. » Son premier coup de foudre le porte sur une aquarelle représentant un visage inachevé d’Henri Michaux, artiste qu’il avoue sans fard ne pas connaître à l’époque. Puis viendront Dewasne, Deyrolle, Hartung, Reichel, Villon, Matta, Rauschenberg, Nevelson ou les surréalistes exposés dans sa galerie ouverte au 8 rue de Duras (Paris) avec les gouaches et dessins de Claude Viseux. Son enthousiasme pour Jean Dubuffet, rencontré en 1952, est rapidement douché par l’accueil tiède des collectionneurs. Daniel Cordier ne cache pas les doutes et difficultés du métier de galeriste, ses relations parfois ambigües avec les artistes, surtout quand l’argent entre en question. Malgré tout, son activité de marchand se développe, il emménage dans un plus grand espace, au 8 rue de Miromesnil, s’implante à Francfort et New York. « C’était un véritable combat pour faire aimer Dubuffet en 1956, Réquichot ou Fahlström en 1960. Il ne s’agissait pas seulement de contempler, d’admirer ou d’expliquer pacifiquement mais de clamer que l’œuvre apportait une perspective nouvelle dans l’histoire de l’art. » Jean Dubuffet est l’autre grand protagoniste de ce volume complété d’une biographie inédite du peintre écrite à sa demande par Cordier. La reproduction de lettres témoigne des relations passionnées entre les deux hommes, qui prend fin brutalement avec la décision de Dubuffet de ralentir sa production et donc ses ventes et entraîne la fermeture de la galerie en 1962. Cordier poursuivra son combat pour l’art dans l’écriture et en s’engageant dans la création du Centre Pompidou. Un livre vibrant, parfois décousu, dévoilant un homme enflammé et qui trouve dans la fréquentation des œuvres et de « leurs sortilèges », une réponse à sa quête d’absolu.

« Amateur d’art. Alias Caracalla (1946-1977) », Daniel Cordier,
Témoins-Gallimard, 368 p., 23 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°775 du 1 mai 2024, avec le titre suivant : Daniel Cordier, un combattant

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