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ART CONTEMPORAIN

Richard Fauguet, une œuvre joyeusement improbable

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 12 janvier 2024 - 536 mots

PARIS

Assemblage d’objets, œuvres bricolées et jeux de mots, le travail de Richard Fauguet repose sur la culture populaire patinée d’ironie.

Paris. Lors de la dernière édition de la Fiac, en octobre 2021, les « Picasso pour enfants » réalisés au tampon et au crayon de couleur sur carton par Richard Fauguet (PPE, 2020 ; 2 500 euros) avaient rencontré un succès contagieux sur le stand de la galerie Art : Concept. Richard Fauguet (né en 1963) a en effet ses fidèles, qui suivent chacune de ses apparitions. Elles sont peu fréquentes : il s’est écoulé huit ans depuis sa dernière exposition dans la galerie parisienne. « Richard Fauguet est quelqu’un de discret, souligne Olivier Antoine, le fondateur d’Art : Concept. Il faut toujours insister pour qu’il accepte de montrer son travail. » Les principes en restent les mêmes : mélanger la grande histoire (de l’art) et la culture populaire, l’imagerie de référence et les matériaux de tous les jours, trouver un point d’équilibre entre l’esthétique et le trivial, le papier Venilia et les icônes classiques (série des « Vanitas » 1997-2001). En continuant à suivre ces règles et en jouant avec notre mémoire visuelle, Richard Fauguet fait preuve d’une inventivité déconcertante.

C’est une série d’assemblages de pipes qui donne son titre « Pipeshow » et son point de départ, forcément facétieux, à l’exposition actuelle, comme le souligne Xavier Franceschi, qui assure le commissariat (en anglais le terme peep show désigne les cabines individuelles de projection dans les sex-shops). Le cadre est ainsi posé : jeux de langage, ironie, provocation à la limite du mauvais goût. Mais aussi évidence imparable de quelques brûle-gueule, dont certains embouts laissent encore voir la trace de longs mordillements qui, élégamment abouchés les uns aux autres, composent l’illusion d’une silhouette gracieuse de pin-up. C’est délicat et vaguement graveleux, cela ne prétend à rien et convoque en souriant l’histoire de l’art, de René Magritte à – pourquoi pas ? – Pierre Molinier, dont l’évocation subliminale est induite par les ombres allongées de ces assemblages incongrus.

L’artiste poursuit également sa série de sculptures à base de verre d’opaline, évocation réenchantée du décor des années 1970 et clin d’œil au Groupe Memphis. Plus loin, l’art du portrait est revisité à l’aide de barquettes alimentaires et de Zebraline pour le fini argenté. Une coquille d’huître en médaillon y figure les contours d’un visage en trompe-l’œil.

Un artiste décalé

Cette prédilection pour les matériaux pauvres et les ustensiles de cuisine se retrouve dans les prix des œuvres, qui restent modestes (à partir de 3 500 euros). Bien qu’il ait une longue carrière derrière lui, plusieurs pièces dans des collections publiques, Richard Fauguet conserve la cote d’un artiste émergent. Les institutions parisiennes n’ont pas choisi de montrer son travail, qui n’a jamais vraiment été à la mode – et l’est moins encore au moment où la peinture figurative semble omniprésente et où il est de bon ton que l’art milite pour une cause. Pas dans l’air du temps mais fidèle à lui-même, Richard Fauguet a sans doute sa « French Theory » sur le sujet, pour reprendre le titre d’une de ses œuvres, évocation au feutre sur papier Albal du cinéma français de l’époque de La Grande Vadrouille et des origines philosophiques du concept très en vogue de « déconstruction ».

Richard Fauguet à la galerie Art : Concept, 2023 © Photo Art : Concept
Richard Fauguet à la galerie Art : Concept, 2023.
© Art : Concept
Richard Fauguet. Pipeshow,
jusqu’au 13 janvier, Galerie Art : Concept, 4, passage Sainte-Avoye, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : Richard Fauguet, une œuvre joyeusement improbable

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