Ventes aux enchères

Les ventes de New York ont triplé en dix ans

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 4 décembre 2018 - 1091 mots

NEW YORK / ETATS-UNIS

Malgré un repli en 2018, les ventes d’art impressionniste, moderne et contemporain de Christie’s et Sotheby’s New York affichent une insolente santé avec près de 1,9 milliard de dollars d’adjudications. 

New York. L’art impressionniste, moderne et contemporain est indéniablement devenu le segment le plus dynamique du marché. Pour novembre 2018, 1,9 milliard de dollars ont été récoltés, soit une hausse de 15 % par rapport à 2017 (en recul de 10 % si l’on inclut la vente du Salvator Mundi, de Vinci, voir encadré). Aussi, en une décennie, les ventes d’automne de Christie’s et Sotheby’s New York dans ces disciplines phares ont bondi de plus de 160 %, passant de 728 millions de dollars à 1,9 milliard, avec un pic en 2015 (2,2 milliards de dollars). Les sommes en jeu dans ce secteur à ce moment-là de l’année sur le marché new-yorkais en dix années sont vertigineuses : 15,7 milliards de dollars, l’art contemporain – domaine dans lequel la suprématie de Christie’s n’est plus à démontrer – devançant largement l’art impressionnisme et moderne (spécialité dominée par Sotheby’s). En effet, le premier a amassé 9,3 milliards de dollars quand le second a récolté 6,5 milliards de dollars.

Cette folle ascension s’explique en partie par une grande confiance du marché, notamment des vendeurs, mais également par l’arrivée des acheteurs asiatiques au pouvoir d’achat démesuré.

Autre aspect nouveau du marché et commun aux deux disciplines, la multiplication des garanties, en corrélation avec l’augmentation de la gamme des prix et les estimations poussives. « Certains vendeurs ont besoin d’être rassurés et ne souhaitent pas courir le risque que leur œuvre reste invendue. Cela se fait en toute transparence et ne biaise pas la vision des enchères, car le garantisseur est très souvent un collectionneur ou fin connaisseur des œuvres de l’artiste », plaide Guillaume Mallécot, responsable des ventes du soir d’art contemporain chez Sotheby’s Paris.

En dix ans, les deux catégories ont follement progressé, mais pas de la même manière. Elles ont bien sûr toutes deux subi les revers de la crise mondiale de 2008. Ainsi, en 2009, le volume de ventes n’a jamais été aussi bas, avec 588,8 millions de dollars récoltés, soit 20 % de moins en un an et une baisse de 60 % par rapport à 2007. « Le marché repose sur la confiance. À l’époque, les vendeurs ne souhaitaient pas prendre de risque dans un marché dramatiquement en baisse. C’est surtout le volume d’œuvres mis en vente qui a été touché, car les prix, finalement, n’ont pas tellement baissé », se souvient Tudor Davies, directeur du département d’art impressionniste et moderne de Christie’s Paris.

Des progresssions cycliques

Depuis cette date, l’art impressionniste et moderne a fait le « yo-yo », au gré des œuvres et collections arrivant sur le marché ; un prix important pour un artiste pouvant décider un vendeur à se séparer de son tableau prématurément. Ainsi, des collections historiques, notamment américaines – et des œuvres majeures et fraîches – sont sorties sur le marché. Ces lots, à 50 ou 100 millions de dollars, formant la partie la plus volatile du marché, alors que le reste est plus stable.

Meilleure année dans la discipline à New York, 2015 a vu une nouvelle tendance s’imposer : les ventes « cross catégories » qui mélangent art moderne et contemporain (une stratégie visant à ouvrir le marché), telle la vente de Christie’s, The Artist’s Muse (491 M$ récoltés dont 342 M$ rien que pour l’art impressionniste et moderne). Cette vacation « nouvelle génération » à fortes valeurs, ainsi que la dispersion de la collection Taubman chez Sotheby’s (420 M$, dont 269 M$ pour l’art impressionniste et moderne) ont permis à la session d’empocher 1,1 milliard de dollars.

Du côté de l’art contemporain et d’après-guerre, hors Salvator Mundi, la session d’automne a vu son chiffre d’affaires bondir de plus de 250 % en dix ans, passant de 313 millions de dollars en 2008 à 1,1 milliard en 2018. « Cette hausse s’explique par l’arrivée permanente de nouveaux collectionneurs, aimant la nouveauté, une demande qui s’est globalisée à l’international, la dématérialisation des enchères avec les ventes en ligne sur Internet, et aussi, un changement dans les mentalités, puisque depuis la crise de 2008, l’art est apparu comme une alternative aux placements traditionnels », justifie Guillaume Mallécot. La progression fulgurante de l’art contemporain a été stoppée nette en 2008. La tendance s’est alors inversée : les acheteurs ont pris le pouvoir face aux vendeurs et ont dicté les prix, qui par là même ont fléchi. Une étude d’ArtTactic de l’époque montrait même que l’indice de confiance du marché de l’art contemporain avait perdu 81 % depuis mai 2008. Puis, le marché de l’art contemporain a retrouvé de la vigueur, toujours plus haut d’année en année, pour atteindre un record inégalé jusqu’à ce jour, en novembre en 2014 avec 1,4 milliard de dollars de ventes. La session avait été couronnée par la dispersion d’une partie d’une des plus grandes collections américaines, celle de Paul Mellon (159 M$) et de tableaux historiques de Warhol, dont Triple Elvis (82 M$). Puis le marché a essuyé de nouveau un coup de frein l’année suivante (- 30 %), après une offre réduite en nombre de lots. Depuis novembre 2017, il a repris confiance et continue d’enchaîner les records. « Il devrait continuer à grimper. Nous savons tous qu’il est cyclique, il va y avoir un retournement, mais on ne sait pas quand. À un moment, les prix doivent s’arrêter. On sait aussi que le cycle suivant est toujours plus haut que le précédent », anticipe Tudor Davies.

Tableau des ventes Christie's et Sotheby's New York de l'automne 2018 - Le Journal des Arts n°512
Tableau des ventes Christie's et Sotheby's New York de l'automne 2018

léonard, artiste contemporain  

New York. La session de novembre 2017 restera à jamais dans les annales. Le 15 décembre, pour la première fois, Christie’s incluait une peinture ancienne dans sa vente du soir d’art contemporain : Salvator Mundi (vers 1500), de Léonard de Vinci. Ce coup de poker, très bien orchestré par Christie’s – elle l’avait judicieusement mis en parallèle du tableau de Sixty Last Suppers, de Warhol – lui a permis d’adjuger le « Sauveur du Monde » du maître incontesté de la Renaissance à 450 millions de dollars. La décision de Christie’s de présenter l’œuvre dans une vente d’art contemporain et à ce moment de l’année n’est pas anodine, puisqu’en termes de volume de ventes, c’est bien la période la plus importante de l’année (même avant le temps fort du mois de mai). C’est pendant ce court laps de temps – un peu plus d’une semaine – que les ultra-riches de la planète recherchent des « trophées ». Avec le Vinci, ce sont 2,1 milliards de dollars qui ont été adjugés en novembre 2017, juste derrière le pic de 2015 (2,2 M$).

 

Marie Potard

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : Les ventes de New York ont triplé en dix ans

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