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DOUANES

Les futures règles d’importation de biens culturels inquiètent les antiquaires

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 29 février 2024 - 734 mots

Le renforcement en juin 2025 des conditions d’entrée en Europe des biens culturels va lourdement affecter le marché, selon le SNA.

La brochure des douanes « Biens culturels : réglementation européenne applicable à l’introduction et à l’importation ». © Direction générale des douanes et droits indirects / COM / avril 2023
La brochure des douanes « Biens culturels : réglementation européenne applicable à l’introduction et à l’importation ».
© Direction générale des douanes et droits indirects / COM / avril 2023

Paris. Le Syndicat national des antiquaires (SNA) s’inquiète des conséquences de la réglementation à venir sur l’importation de biens culturels et l’a fait savoir avec véhémence. Cette nouvelle réglementation européenne – pas si nouvelle car elle date de 2019, mais elle doit être mise en application en juin 2025 – durcit considérablement les conditions d’entrée des biens culturels dans l’Union européenne (UE).

Le texte distingue deux catégories d’objets : les objets archéologiques ainsi que les éléments provenant du démembrement de monuments historiques (« Partie B ») de plus de 250 ans et – pour simplifier – tous les autres objets d’art dont les tableaux, dessins, sculptures (« Partie C ») de plus de 200 ans.

Pour la première catégorie, il sera demandé aux marchands de faire une demande de licence d’importation auprès de l’un des pays de l’UE en fournissant une autorisation d’exportation du pays de découverte ou « tout autre document permettant d’étayer la légalité de la sortie du bien de son pays d’intérêt ». Cette demande est déposée sur une plateforme informatique dénommée ICG, en cours de développement par la Commission européenne. Les autorités du pays où est faite la demande ont 90 jours pour accorder ou non la licence d’importation. En France, selon la brochure des douanes [voir ill.], c’est le ministère de la Culture qui gérera la demande de licence.

Pour la seconde catégorie d’objets, il n’est pas demandé de licence d’importation, mais d’attester, toujours sur la plateforme ICG que l’importateur « a fait toutes les diligences requises pour s’assurer que le bien importé a été exporté licitement ». Mais cela n’empêche pas les douanes de demander les justificatifs d’export. Dans les deux cas, les sanctions pour non-respect de la réglementation sont lourdes puisque, outre la confiscation de l’objet, il est prévu une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet et même une peine d’emprisonnement de trois ans.

Le SNA ne remet pas en cause la nécessité de lutter contre le trafic d’objets d’art mais conteste qu’il soit une source de financement importante du terrorisme, un des « considérants » de la réglementation. Surtout, il pointe les conséquences qu’il juge « dramatiques » pour le marché. Selon lui, ces procédures et pièces justificatives vont réduire le nombre d’objets d’art importés dans l’Union européenne, provoquer une hausse des prix en raison de la baisse de l’offre et in fine pénaliser les collectionneurs. Des exceptions existent pour les objets sortis de leur pays d’origine avant 1972 et importés depuis un pays où ils étaient depuis plus de cinq ans, mais la preuve de la sortie du pays avant 1972 n’est pas toujours facile à apporter. Un avantage pour la Grande-Bretagne Le grand gagnant de cette nouvelle réglementation sera la Grande-Bretagne qui, n’étant plus dans l’UE, peut s’affranchir de ces règles et capter au détriment de la France une partie du marché pour les collectionneurs hors de l’UE. La réglementation allège un tout petit peu la procédure pour une admission temporaire (pour une foire, par exemple) : il ne sera pas nécessaire de demander une licence d’importation pour les produits de la « Partie B », mais il faudra quand même faire la déclaration sur la plateforme ICG.

Déjà des marchands spéculent sur le fait que certains pays, par exemple les Pays-Bas ou les pays scandinaves ayant un certain pragmatisme commercial, seraient moins sourcilleux sur l’examen de la demande de licence d’importation. Il pourrait y avoir une forme de « shopping de la licence », les demandes seraient faites dans les pays les moins regardants ou les plus rapides. Car une fois la licence obtenue, le bien peut circuler dans toute l’Europe.

Que peuvent faire les marchands ? La situation ne leur est pas favorable. Contrairement à la directive sur la TVA, où les pays ont une certaine latitude pour la transcrire dans leur droit national, un règlement européen s’applique directement. C’est d’ailleurs l’une des visées de la réglementation que d’uniformiser l’importation de biens culturels. Obtenir un nouveau vote du Parlement paraît difficile voire impossible. Une petite chance existe de faire modifier, à la marge, par la Commission, le règlement d’exécution, mais elle est mince : elle pourrait concerner les seuils d’âge ou monétaires. Dernière possibilité, obtenir plus de souplesse de la part des autorités françaises. En tout cas, la douane française est prête et a mis en ligne depuis plusieurs mois, une brochure fort bien faite qui explique tout cela.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°628 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Les futures règles d’importation de biens culturels inquiètent les antiquaires

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