Le Moyen-Orient, mirage ou véritable oasis ?

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 29 janvier 2008 - 643 mots

À l’image de l’intérêt porté à l’art asiatique, et notamment chinois, les ventes publiques et les foires défrichent le Moyen-Orient. Cartographie d’un marché balbutiant mais prometteur.

 Les acteurs de l’art contemporain arpentent souvent le globe avec leur bâton de sourcier pour y dénicher, qui un vivier d’artistes exotiques et potentiellement lucratifs, qui des acheteurs assez fortunés pour doper le marché de l’art. Après l’Asie, le Moyen-Orient s’affiche en eldorado.
Néanmoins, l’or noir y coule davantage que celui issu de l’art. L’instabilité politique de la région donne plus l’image d’une poudrière que d’une oasis. Reste une bulle épargnée par les conflits : les Émirats arabes unis.
Misant sur le développement rapide des villes rivales de Dubaï et Abou Dhabi, les professionnels prennent leurs marques dans la région. Leur cible ? Un vivier composé à 80 % d’étrangers expatriés. La pépinière artistique du Moyen-Orient, bien moins connue que le potentiel commercial, est explorée plus timidement. Le livre collectif que Jérôme Sans publiera prochainement sous la houlette du marchand parisien Enrico Navarra apportera peut-être un peu de clarté dans ce maquis.

La flambée du marché à Dubaï
Bien que pauvre en ressources naturelles, Dubaï s’est bâtie selon un principe : construisez et ils viendront. Une stratégie lucrative puisque l’Émirat s’est imposé en dix ans comme le carrefour touristique et commercial de la région.
Cette position n’a pas laissé Christie’s insensible. La maison de ventes y a organisé le 24 mai 2006 une dispersion d’art contemporain générant 5,65 millions d’euros. À cette occasion, des artistes moyen-orientaux, introduits parfois pour la première fois sur le marché, ont enregistré des prix coquets. Orbits of Praise, une œuvre de l’Égyptien Ahmed Moustafa s’est vendue 161 000 euros. Une bagatelle au regard du record de 441 000 euros qui attendait cet artiste en octobre dernier !
Dans la même vacation, un tableau de l’Iranien Farhad Moshiri s’est adjugé 404 000 euros. Un bond exceptionnel, puisque la première œuvre de cet artiste présente en vente publique s’était contentée de 32 000 euros un an plus tôt. Ces enchères témoignent d’une volonté de rattraper l’écart avec les artistes occidentaux, ce au prix de quelques acrobaties.
Les œuvres dispersées par Christie’s, mais aussi par sa concurrente Sotheby’s à New York, ont été pour la plupart mises en vente par les artistes ou leurs galeries afin d’établir une cote. Quoi qu’il en soit, ces résultats, redevables pour au moins 50 % à des acheteurs moyen-orientaux, dépassent de loin les perspectives de Christie’s.

Abou Dhabi, capitale culturelle ?
Cette manne, la foire Art Dubaï compte aussi l’exploiter. Sa première édition en mars 2007 a surtout profité aux marchands indiens, lesquels ont bénéficié d’une forte présence d’expatriés du sous-continent. Les Occidentaux sont restés plutôt sur leur faim, mais suffisamment intrigués pour vouloir revenir cette année.
Bouture de la foire Art Paris, Art Paris Abou Dhabi a quant à elle pris pied dans l’Émirat qui a signé des accords avec le Louvre et le Guggenheim pour l’implantation de musées sur l’île de Saadiyat. Le résultat fut inégal selon les marchands. « On ne peut pas leur faire acheter n’importe quoi, mais il y a un projet à construire », observe Baudoin Lebon, exposant sur les deux salons. Le succès du salon a principalement reposé sur les achats effectués par les autorités locales, notamment par la Cheikha Salama, épouse de Cheikh Mohammed Bin Zayed al-Nahyan, prince héritier d’Abou Dhabi. Celle-ci s’est d’ailleurs reportée sur des noms comme Picasso, considérés comme des valeurs sûres, et des artistes du cru.
Pour Farbad Dolatchahi, propriétaire de la galerie B21 à Dubaï, « Dubaï a soif d’autre chose que de paillettes. Abou Dhabi quant à elle deviendra la capitale culturelle de la région. Mais on ne grimpe pas sans transition du premier au dernier étage d’un bâtiment. » Il faudra enfin que le Moyen-Orient prenne conscience qu’un écosystème artistique passe aussi par de fortes communautés artistiques et des écoles d’art dignes de ce nom.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : Le Moyen-Orient, mirage ou véritable oasis ?

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