Art ancien

Le mobilier Régence, entre classicisme et rococo

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 23 janvier 2024 - 811 mots

Tandis que le musée Carnavalet se penche sur cette période qui suit le long règne de Louis XIV, c’est le moment propice pour s'intéresser à son mobilier.

Quand Louis XIV meurt, le 1er septembre 1715, son arrière-petit-fils lui succède, à l’âge de 5 ans seulement. Le pouvoir est donc confié à Philippe d’Orléans, son grand-oncle, qui devient régent jusqu’en 1723, date de la majorité légale de Louis XV. Le jeune roi quitte Versailles pour Paris, suivi du gouvernement et de la cour – entraînant dans leur sillon architectes, artistes et artisans. Paris va ainsi devenir le cœur de la vie politique et artistique.Libérés de Versailles, les courtisans réintègrent leurs hôtels particuliers de la capitale tandis que d’autres constructions fleurissent un peu partout dans les faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré. Pour les aménager ou les remettre au goût du jour, ils passent commande auprès des artisans alors en vue : André-Charles Boulle, Charles Cressent, Gilles-Marie Oppenord ou Nicolas Pineau. La période va ainsi connaître un formidable essor des arts décoratifs, dont le mobilier.Si la Régence historique ne dure que 8 ans, la dénomination traditionnelle de « style Régence » couvre en réalité le premier quart du XVIIIe siècle. En effet, dès les années 1700 s’annonce un style de transition, hybride, à cheval entre le classicisme louis-quatorzien et le style rocaille plus fantaisiste du règne de Louis XV, tandis que des meubles apparemment « Régence » peuvent encore être fabriqués au milieu du siècle. La recherche du confort – en plus de l’apparition de nouveaux meubles comme la commode tombeau, l’encoignure ou encore le bureau plat – entraîne plusieurs innovations stylistiques.

Ligne courbe et feuillages

Le principal changement est l’introduction de la ligne courbe, qui vient adoucir la silhouette des meubles. La marqueterie de fleurs de la fin du XVIIe siècle est abandonnée au profit de surfaces plus unies, avec plutôt une utilisation d’amarante et de palissandre, et de nouveaux éléments décoratifs garnissent le mobilier : si la coquille reste parfaitement symétrique, elle s’enrichit de fleurs et feuillages, les arabesques sont peuplées d’animaux fantastiques, de personnages exotiques… Une partie importante des meubles sont ornés de bronzes dorés selon la technique du vernis or (à la place de la dorure au mercure ou à la feuille), tandis que, si les bâtis en chêne perdurent, un usage est aussi fait du sapin, notamment pour les meubles courants.

Adjugé 214 500 € Christie’s Londres, 10/07/2014 

1. -  André-Charles Boulle est l’un des plus talentueux ébénistes de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Il est à l’origine de la création de deux types de meubles : la commode et le bureau plat, à l’instar de ce modèle. Commandé par Charles-Henri Malon de Bercy, ce meuble est répertorié, lors de l’inventaire après-décès, dans le grand cabinet du premier étage du château de Bercy, aujourd’hui détruit. Il porte en lui toutes les caractéristiques de l’œuvre du célèbre ébéniste, tant par son ornementation (masques de satyres barbus dans les angles) que par sa forme générale, et est un représentant important d’un groupe de bureaux qu’il a conçu avec des tiroirs centraux en saillie, dits « en avant-corps ».

Entre 100 000 et 150 000 € Galerie Léage, Paris 

2. -  Les tables en consoles, appliquées au mur et dont seules les trois faces sont décorées, conservent l’aspect solennel du siècle précédent. Néanmoins, les pieds adoptent désormais une ligne cambrée, reliés par une entretoise en « x » richement sculptée. Propice au développement d’un important décor, cette pièce de menuiserie témoigne ici de l’exubérance dont surent faire preuve certains sculpteurs durant la période de la Régence. Le répertoire ornemental est typique : coquille encadrée de godrons, volutes feuillagées ajourées, rinceaux symétriques, guirlandes de fleurs, dragons, volutes…

Adjugé 190 500 € Sotheby’s, 28/06/2023 

3. -  Charles Cressent est l’un des principaux représentants du style Régence. Reçu maître sculpteur à l’Académie de Saint-Luc à Paris en 1714, il accède ensuite à la profession d’ébéniste en épousant la veuve de Joseph ­Poitou en 1719. Il devient ensuite ébéniste ordinaire du Duc d’Orléans, régent du royaume. Ce meuble fait partie d’un groupe réalisé tôt dans sa carrière, une commode à hauts pieds, avec des divisions de tiroirs très marqués ainsi que de larges masques en bronze doré au centre mais surtout, le motif de l’espagnolette aux angles s’inspirant des « fêtes galantes » de Watteau.

Adjugé 52 000 € Artcurial, 14/12/2021 

4. -  Les sièges Régence sont caractérisés par plusieurs détails : le dossier reste incliné et haut – il s’abaissera peu à peu – tandis que la partie haute est sinueuse, en forme d’accolade plus ou moins marquée. Les supports d’accotoirs reculent par rapport aux pieds antérieurs et si les accotoirs restent raides, ils sont le plus souvent garnis de manchettes, les rendant plus confortables. Par ailleurs, les entretoises qui reliaient les pieds ont tendance à disparaître. Ici, le fauteuil adopte un décor sculpté « à la mode », avec coquilles, rinceaux, croisillons… mais toujours parfaitement symétriques.

À voir
« La Régence à Paris (1715-1723). L’aube des Lumières »,
Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné,Paris -3e, jusqu’au 25 février.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°772 du 1 février 2024, avec le titre suivant : Le mobilier Régence, entre classicisme et rococo

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