Antiquaire - Galerie

Instagram séduit de plus en plus les antiquaires

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2020 - 1059 mots

FRANCE

Si l’application sert de vitrine aux acteurs du marché, qui plus est en cette période de confinement, elle leur permet de s’approvisionner en œuvres et objets d’art, d’attirer de nouveaux clients, et parfois aussi de vendre.

Gouache sur papier d'Adèle de Nansouty, fin XVIIIe siècle, présentée sur le compte Instagram de l'antiquaire Frédéric Sportis. #frederic_sportis
Gouache sur papier d'Adèle de Nansouty, fin XVIIIe siècle, présentée sur le compte Instagram de l'antiquaire : #frederic_sportis
© Frédéric Sportis

France. Instagram, le réseau social lancé en 2010 permettant de partager des photos et des vidéos, est devenu incontournable pour les marchands et antiquaires français, car son aspect visuel répond assez bien à leurs attentes. La tendance n’a fait que s’accentuer depuis cinq ans, s’accélérant particulièrement depuis deux ans. Désormais, la plupart des marchands, quelles que soient leur spécialité et leur renommée, ont un compte, qu’ils alimentent régulièrement, directement ou par l’intermédiaire d’une agence de communication, telles Troisième Rive ou Roxane Rabieaux.

Toucher une clientèle plus jeune

Selon le rapport Hiscox 2019 sur le marché de l’art en ligne, Instagram est le réseau social le plus prisé du monde de l’art puisque 65 % des personnes interrogées (contre 63 % en 2018) ont déclaré privilégier ce réseau pour tout ce qui a trait à l’art. « Instagram est devenu un moyen de communication international dont on ne peut se passer pour exister dans l’univers gigantesque du numérique », affirment les experts en céramique Christian et Julie Béalu. « Et ce réseau ne pourra pas être négligé dans les mois à venir, alors qu’il nous faut faire face à l’absence de salons », ajoute Céline Mathivet (galerie Mathivet, Paris).

Envisagé d’abord comme une vitrine, Instagram permet aux marchands de publier leur actualité (les salons auxquels ils participent, les expositions organisées dans leurs galeries, les pièces disponibles à la vente, les ventes récemment conclues…), tout en s’informant sur l’actualité de leurs confrères. Ils s’y tiennent aussi informés des événements spécifiques à leur métier et suivent les tendances.

Si l’application leur permet de nouer ou renforcer leurs relations avec des collectionneurs ou d’autres marchands, elle leur donne également la possibilité d’aller au-devant d’un nouveau public : « Instagram nous permet de “sourcer” des clients et de toucher une clientèle plus jeune et plus internationale », commente Félix Marcilhac junior. Moyen ludique et convivial de créer des liens de manière plus informelle, « Instagram possède aussi l’avantage de démocratiser l’univers des galeries. Aujourd’hui encore, certaines personnes n’osent pas franchir nos portes. Instagram leur offre la possibilité de découvrir notre univers depuis leur smartphone », fait observer Marie Gogat (Galerie Bernard Dulon, Paris).

Se faire connaître, susciter la curiosité afin de rencontrer de nouveaux clients pour ensuite créer davantage d’opportunités en termes d’approvisionnement et de vente, tel est l’objectif. « En postant des objets sur le réseau, la vente, bien sûr, est l’une de nos arrière-pensées », reconnaissent Philippe et Matthias Jousse, actifs sur le réseau social depuis 2013. Ils ont ainsi vendu un miroir de Georges Jouve (1910-1964) grâce à l’application.

À leur exemple, un certain nombre de professionnels affirment vendre via Instagram, à des clients connus ou non, quel que soit le prix. « Je vends un peu par Instagram. Depuis le début du confinement, j’ai réalisé cinq ventes. Mais ce qui est sûr, c’est que si l’on publie un bel objet qui sort de l’ordinaire, il se vendra et à n’importe quel prix », rapporte l’antiquaire Frédéric Sportis, abonné depuis 2015. « Le plus souvent, je repère un “œil” qui me plaît et je rentre en contact pour savoir si la personne a des tapisseries à vendre, ou pour qu’elle pense à moi si un jour c’est le cas, indique quant à elle la spécialiste de la tapisserie Amélie-Margot Chevalier. Ce n’est pas encore un vrai vivier, on parle d’une ou deux pièces achetées par an pour l’instant, plutôt en tapisseries modernes. » Très active sur les réseaux sociaux, Laurence Vauclair (Galerie Vauclair) affirme qu’« Instagram ne remplace pas les boutiques mais permet de garder le lien et de vendre une pièce ou deux. [La galerie ne vend] pas beaucoup par son intermédiaire mais davantage d’année en année ».

De manière générale, les ventes sont sporadiques sur Instagram, d’abord parce que le canal n’est qu’un support supplémentaire – à côté de la galerie, du site Internet, des plateformes de vente… –, mais aussi parce qu’il est souvent envisagé comme une « porte d’entrée » : les clients font un « repérage » en amont puis se rendent sur le site du marchand ou directement en galerie. « Les ventes en direct ne sont pas fréquentes, en revanche j’ai de vrais retours car les collectionneurs repèrent un objet et viennent ensuite le voir à la galerie », confirme Alexandre Piatti, qui a vendu de cette façon-là une sculpture du XVe siècle à un marchand anglais (15 000 €). « Instagram nous permet parfois de déclencher un intérêt sur un objet, mais la vente ne peut se faire qu’après une présentation réelle », constate également Gladys Chenel (Galerie Chenel), qui possède depuis 2012 un compte au nom de la galerie, celui-ci recensant aujourd’hui plus de 7 000 abonnés. Cependant, plusieurs parmi les professionnels sollicités restent sceptiques, considérant le réseau comme un outil de communication plus que comme un canal de ventes – « C’est un grand fantasme de croire que les gens vont acheter sans voir. »

Un canal d’achat

À l’inverse, plusieurs marchands recourent à l’application pour acheter des objets. Divers témoignages vont dans ce sens. Philippe Jousse a notamment acheté un canapé Élysée de Pierre Paulin et une chaise standard de Jean Prouvé. « Ma pièce phare lors de la [foire] Tefaf 2018 de Maastricht [un couple de canards en granit, 1938, d’Yves de Coëtlogon], je l’avais acquise sur Instagram. Je suis entré en contact avec la personne qui avait publié la photo et j’ai pu acheter la sculpture », relate de son côté le marchand Xavier Eeckhout. « Nous avons plusieurs fois acheté via Instagram à des confrères qui résident en province ou à Paris, mais pas à des particuliers », indique, elle, Céline Mathivet. D’après, l’expert Maxime Charron, si les activités ont un peu baissé, « les gens continuent de publier des images, donc [s’il] repère un objet, [il] l’achète ». Alexandre Piatti confie, lui, chiner un peu sur Instagram : « en suivant des confrères, mais cela reste sporadique sur l’ensemble de mes achats effectués, je dirais moins de 10 % ». Quant à l’antiquaire Jacques Lafond,« s’il [lui] arrive de vendre via Instagram – trois ou quatre fois dans l’année –, [il] doi[t] y acheter dix objets par an ».

Reste que, à l’heure où toutes les boutiques restent fermées pour cause de confinement, Instagram est, de l’avis de tous, un outil précieux, une vitrine virtuelle de la galerie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°545 du 8 mai 2020, avec le titre suivant : Instagram séduit de plus en plus les antiquaires

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