Do it yourself

L'ŒIL

Le 1 décembre 2004 - 504 mots

« Si de retour des puces, embarrassé par un achat impulsif, un ami vous dit : “montez-le en lampe”, surtout, ne l’écoutez pas », écrivait Philippe Jullian dans ses conseils à un chineur dans les années 1970.

Du rouet transformé en lampadaire à la géode d’améthyste supportant un abat-jour, « l’objet monté » a toujours conservé ses adeptes. Même dans les années 1970 alors que les merveilles de la technique permettaient d’intégrer de minuscules spots dans des plafonds surbaissés et de réduire la « triperie technique ». Irrépressible désir de montrer qui explique la vogue ostentatoire des rails de spots au plafond. Dans le droit fil du modernisme des années 1920 et 1930, la deuxième vague de « design » – « le mot n’entre dans l’usage courant qu’à cette époque » – réédite les chefs-d’œuvre « classiques modernes » et entraîne la création de nouveaux luminaires. Si l’abat-jour est à nouveau honni, il subsiste dans des matières opaques ou semi-transparentes, genre mirolège dont la forme s’intègre, comme chez Willy Rizzo, au design général de la lampe. Celle-ci n’a de valeur que sculpturale : totems en verre opalin de Picoli, champignon en résine d’Artemide, corolle lesbo d’Angelo Mangiarotti, terrifiante pipistrelle de Gae Aulenti. Tordant les feuilles d’acier, Charles crée des fétiches de métal qui renvoient, comme des tuyaux d’orgue « de montre », la lumière au plafond. Créé en 1962 mais toujours d’actualité le lampadaire Arco d’Achille et Piergiacomo Castiglioni est rejoint, dans le genre « luminaire urbain d’appartement », par la Golden Gate de Nanda Vigo (1970) tandis qu’au sol roule sur sa crémaillère la roue dentée de Fulvio Ferrari (1971). En 1971 également apparaît la superbe gamme B.T. 3 d’Arditi (Sigle pour le groupe cocasse « Association réactionnaire de designers italiens totalement intégrés ») et Gianni Gamberini édité par Sormani Nucleo en 1971. Contemporaine des mobiles lumineux transformables de Nicolas Schöffer (S.E.C.LUX15A) qui voulait « dépassiver » le collectionneur, les lampes B.T. sont composées d’un ou plusieurs socles métalliques chargés en basse tension. Les lampes sont des cylindres aimantés reliés par des fils métalliques qui forment une sculpture changeante selon les emplacements de connexion choisis. Les petites bases peuvent être placées sur une table basse ou une console tandis que les grandes, de près de deux mètres, sont de véritables sculptures lumineuses d’autant plus intrigantes qu’elles sont placées dans une relative pénombre. C’est alors que la lumière glisse subtilement sur les fils et se réfléchit sur les plaques chromées. Sans danger, maniables même par Aladin, ces lampes devançaient les légèretés « basse tension » des années 1990, comme en témoignent les créations d’Ingo Maurer. Rares dans les encyclopédies des luminaires comme sur le marché (la production en fut très vite arrêtée), les lampes B.T. sont appréciées à la galerie Arcanes qui a su très rapidement se faire un nom dans le monde du design des années 1950 à 1980 dans cette artère feutrée qu’est la rue de Lille.

Galerie Arcanes, Paris, 11 rue de Lille, VIIe, tél. 01 40 20 49 59.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Do it yourself

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