Foire & Salon

ART CONTEMPORAIN

Artissima, la foire qui prend des risques

Par Alexia Lanta Maestrati · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2019 - 632 mots

TURIN / ITALIE

À Turin, la foire d’art contemporain parvient à sortir des sentiers battus avec une offre qualitative.

Masaki Nakayama; Body Scale, Circle Triangle Square, 1977, photographie encadrr et acier, chacune 175 x 175 x 30 cm. Photo Rebecca Fanuele/Galerie Christophe Gaillard.
Masaki Nakayama, Body Scale, Circle Triangle Square, 1977, photographie et acier, chacune 175 x 175 x 30 cm.
© Rebecca Fanuele / Galerie Christophe Gaillard.

À l’Oval Lingotto Fiere, qui accueillait du 1er au 3 novembre la 26e édition d’Artissima, la présentation des stands était similaire aux autres grands rendez-vous du marché de l’art contemporain (la Fiac à Paris, Art Basel à Bâle, Frieze à Londres), mais l’offre s’en distinguait. Quelques (très) grandes signatures jalonnaient les allées, à l’instar de Giuseppe Penone (Galleria Tucci Russo, Turin) et Michelangelo Pistoletto (Galleria Giorgio Persano, Turin), Turin étant, avec Rome, le berceau de l’Arte povera, ou d’Antony Gormley (Continua) et Joseph Kosuth (Lia Rumma, Milan, Naples). Mais la singularité de la foire, ce sont les découvertes d’œuvres d’artistes moins connus.

Fibre dénicheuse

Cette position de foire « d’auteur » s’appuie d’abord sur une sélection de galeries à la fibre dénicheuse et internationale, puisque sur les 208 enseignes présentes, 63 % étaient étrangères (dont 11 françaises). Signalons, parmi les plus connues, les parisiennes Gb Agency, In Situ – Fabienne Leclerc ou Jocelyn Wolff, ainsi que Kow (Berlin), Richard Saltoun (Londres) ou Campoli Presti (Paris, Londres).

On y découvrait des pièces que l’on ne voit pas ailleurs. « La pression financière y est moindre et le public est réceptif. Cela nous offre l’opportunité de prendre des risques et de proposer quelque chose de pointu. Cette année, nous montrons Masaki Nakayama, photographe japonais peu exposé à l’étranger, car il a une histoire avec l’Arte povera et le futurisme, ce qui le connecte avec l’histoire de la ville », souligne Guillaume Lointier, directeur de la Galerie Christophe Gaillard (Paris). Cette dernière était installée dans la section « Back to the Future » consacrée aux artistes des années 1960-1990 oubliés.

Les expositions personnelles étaient nombreuses. On pouvait se plonger dans le travail sur la fragilité de la mémoire et les difficultés à écrire l’histoire, notamment celle de la guérilla des Farc en Colombie, de Marcos Avila Forero (ADN Galeria, Barcelone). Ou, au sein de la section « Disegni » (dessin), dans les œuvres sur papier d’Anna Maria Maiolino nourries de son expérience de la dictature brésilienne des années 1970-1980 (Raffaella Cortese, Milan). Un focus particulier était réalisé sur les galeries du Moyen-Orient, l’occasion de confronter le visiteur à des enseignes que l’on a peu l’habitude de rencontrer. Parmi elles, la Galerie Dastan (Téhéran) laissait la confection de son stand à l’artiste iranien Meghdad Lorpour, qui, partant de l’évolution de l’ancienne Persepolis, proposait une vision du « Sublime ». La Galleria Lia Rumma avait elle aussi confié son stand à un artiste, le Chilien Alfredo Jaar, qui a puisé dans le stock de la galerie pour explorer l’impact de Pasolini dans les arts plastiques.

Des secteurs scénographiés

Au total, la foire était divisée en 7 secteurs, dont trois placés sous la houlette de commissaires d’exposition. Ce soin particulier apporté à la scénographie est à porter au crédit de la directrice de la foire, Ilaria Bonacossa, historienne d’art et ancienne commissaire de l’exposition de la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo à Turin et du Museo Villa Croce à Genève. Depuis le début, Artissima est d’avant-garde, rappelait la directrice : « Artissima a vu le jour avant Frieze à Londres. Et lorsque cette dernière a ouvert ses portes, c’était un choc, car Artissima, bien avant Frieze, avait cette identité très contemporaine. Frieze, au cours des années, s’est beaucoup uniformisée, alors qu’ici nos collectionneurs n’hésitent pas à prendre des risques. » Enfin, la manifestation s’insère dans une ville à l’offre pointue. Si les deux expositions hors les murs de la foire n’étaient pas à la hauteur, l’offre institutionnelle méritait, elle, le détour. Aussi bien pour Michael Rakowitz au Castello di Rivoli ou Berlinde de Bruyckere à la Fondation Sandretto Re Rebaudengo, que pour l’atelier de Carol Rama ou la Casa Mollino, consacrée à l’architecte Carlo Mollino, des lieux qui, bien que plus confidentiels, sont de véritables bijoux.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°533 du 15 novembre 2019, avec le titre suivant : Artissima, celle qui prend des risques

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