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Le Musée d’Orsay inaugure les salles Philippe Meyer

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 3 février 2009 - 786 mots

PARIS

Décédé il y a plus d’un an, le physicien avait fait don d’une exceptionnelle collection aux musées de France en 2000. À sa demande, le Musée d’Orsay consacre un espace spécifique à ses chefs-d’œuvre.

PARIS - En juin 2007, après des années de travaux de rénovation, le musée Granet, à Aix-en-Provence, a rouvert ses portes au public et, à cette occasion, a levé le voile sur un nouvel espace intitulé « De Cézanne à Giacometti », incluant des œuvres de Giacometti, mais aussi Mondrian, van Velde, Balthus, Léger, Picasso, de Staël, Klee et Tal Coat. Présentée au premier étage du Palais de Malte, cet ensemble de soixante-et-onze œuvres représente la majeure partie de l’exceptionnel cadeau fait par le physicien Philippe Meyer (1925-2007) à l’État français. Constituée au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, la collection Meyer (soixante-quatorze tableaux, vingt-sept œuvres sur papier, cinq sculptures, trois livres d’art) avait été promise aux musées de France en 2000, sous réserve d’usufruit. Parmi les musées bénéficiaires, le Musée d’Orsay, à Paris, que Philippe Meyer, scientifique de renom mais aussi mécène des plus généreux, avait substantiellement aidé dans le cadre d’acquisition d’icônes du XIXe siècle, tels le Talisman de Sérusier et L’Autoportrait au Christ jaune de Gauguin. Dans les années 1950, son père, André Meyer, avait déjà fait don à l’État de chefs-d’œuvre signés Gauguin (Le Repas, 1891) et Van Gogh (La Salle de danse à Arles, 1888), qui sont aujourd’hui dans les collections du musée parisien.

Vœu d’anonymat
Philippe Meyer a beau avoir insisté pour garder l’anonymat lors de l’annonce de sa donation, trois salles intimistes portent désormais son nom au Musée d’Orsay. Cet espace discret abrite une vingtaine de toiles dont l’extrême qualité laisse pantois. Rares sont les musées publics français à être en mesure de se rendre acquéreur de tableaux aussi prestigieux, ce, à la fin du XXe siècle et dans un laps de temps fort court. Citons le Portrait de l’artiste au fond rose (v. 1875), une Nature morte au tiroir ouvert (1877-1979) et Cinq baigneurs (1900-1904), tous de Cézanne, l’imposante Vue du Cannet (1927) de Bonnard – don de la Fondation Meyer qui devrait rejoindre les collections du Musée Bonnard au Cannet dès son inauguration – ou encore Le Salon aux trois lampes rue Saint-Florentin (1899) de Vuillard. N’oublions pas Hammershøi (Intérieur, Strandgade 30, 1904) que le Musée d’Orsay avait présenté au public français lors d’une rétrospective en 1997-1998 et les splendides bouquets de fleurs de Fantin-Latour et Manet. Retenus dans l’exposition « Pastels » à l’étage inférieur du musée pour l’un, et à Madrid pour l’autre, deux pastels de Degas devraient bientôt rejoindre l’accrochage. Situé en lieu et place du lobby de l’ancien hôtel d’Orsay, qui accueillait les voyageurs transitant par la gare, le nouvel espace forme le coin nord-ouest de l’édifice, perdu entre la salle des Fêtes, ancienne salle de bal de l’hôtel, et le restaurant. Parquet verni, cimaises couleur taupe, éclairage ciblé, atmosphère intime, fenêtres ouvertes sur la Seine, le Jardin des Tuileries et le Musée de Légion d’Honneur, les salles Philippe Meyer ont tout d’un appartement bourgeois typiquement parisien. Ne manquent que le confortable canapé couleur crème, un plaid en cachemire traînant négligemment et une large table basse ornée de son indispensable orchidée blanche… Une ambiance luxueuse, feutrée et contemplative dont le président Guy Cogeval rêve pour le nouvel accrochage des salles au dernier étage, dans le cadre de son projet de réaménagement complet du musée (lire le JdA n°287, 19 septembre 2008). Dans ce contexte, La Soirée sous la lampe, ou Intimité (1921) de Bonnard frôle la mise en abîme.
On peut à cet égard s’interroger sur la nécessité d’ouvrir un nouvel espace indépendant du reste des collections, quitte à fragmenter le parcours, voire à le rendre incohérent – l’aile réservée à la somptueuse collection Havemeyer est la grande incohérence muséographique du Metropolitan Museum of Art, à New York. Orsay doit déjà s’accommoder des exigences de la collection Moreau-Nélaton (dont l’œuvre phare est le Déjeuner sur l’herbe de Manet) qui ne peut quitter les lieux, et doit être présentée de manière groupée, tout comme la collection Personnaz (dont le fleuron, Le Pont d’Argenteuil de Monet, avait été la cible de vandales lors de la « Nuit Blanche » en octobre 2007). Or, le musée ne fait qu’appliquer les exigences de Philippe Meyer – lui, réputé si discret ! Malheureusement, ces exigences sont en passe de se généraliser, et, à défaut de crédits, quantité de musées se voient forcés de satisfaire les quatre volontés de leurs mécènes. Il faut avouer qu’une telle mise en valeur ne saurait laisser indifférent les fameux bienfaiteurs français et étrangers dont le musée d’Orsay s’est ouvertement mis en quête depuis l’arrivée de Guy Cogeval.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°296 du 6 février 2009, avec le titre suivant : Le Musée d’Orsay inaugure les salles Philippe Meyer

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