La muse et le philosophe

Après une fresque, une mosaïque est découverte à Rome

Le Journal des Arts

Le 11 septembre 1998 - 690 mots

Le panorama peint à fresque découvert sur la colline de l’Oppius, à Rome (lire le JdA n° 62, 5 juin), n’était que la partie émergée d’un ensemble plus vaste, comprenant notamment une exceptionnelle mosaïque murale.

ROME - Sur le site où se sont succédé la Domus Aurea de Néron et les Thermes de Trajan, une fresque représentant une ville fortifiée avait été découverte il y a peu, surprenant le monde des spécialistes et des médias. Ils n’étaient pas au bout de leurs surprises. En effet, alors que la poursuite des fouilles à l’intérieur de la galerie de service – le “cryptoportique” – a mis au jour un autre mur décoré d’une mosaïque, un examen endoscopique à l’aide d’une télécaméra a permis de constater, dans la même pièce, la présence d’un nouveau mur peint à fresque et merveilleusement conservé. La chronologie relative de ces nouveaux témoignages de l’Antiquité, mais surtout le système de relations spatiales et temporelles qui relient les différentes parois font encore l’objet d’évaluations.

Les fouilles dans le cryptoportique, sous la salle des Thermes de Trajan, ont fait apparaître un mur oblique à quelques mètres en dessous de la cote fixée par le sol en terre battue, réalisé à la fin du XVIIIe siècle pour la poudrière napoléonienne. L’ouvrage est sûrement postérieur à l’époque de Trajan et porte d’importants vestiges d’un décor en mosaïque. On y distingue clairement un portique à entablement et caissons, soutenu par des colonnes corinthiennes, sous lequel deux formes se détachent. Il s’agit à gauche d’une muse, tandis qu’à droite se dessine, mieux conservée, la silhouette d’un philosophe, reconnaissable à son manteau porté à même le buste nu et à son visage barbu. D’une grande maîtrise technique, la mosaïque devait s’étendre sur tout le mur, soit huit mètres carrés environ, et les restes de l’enduit avec l’empreinte des carreaux tombés y sont encore bien visibles. Le revers de ce même mur montre une surface qui était certainement peinte à fresque, aujourd’hui réduite à une ombre informe. Quelle datation peut-on proposer ? On ne connaît pas à Rome de mosaïques murales de cette dimension, répondent les archéologues qui travaillent aux fouilles sous la direction de Giovanni Caruso et Rita Volpe. Il s’agit d’une pièce unique, certainement postérieure à la moitié du IIe siècle. Pendant que l’on procédait aux fouilles de la partie médiane du cryptoportique, la mise au jour de la partie basse de la première fresque sur le mur du fond a été achevée. Au-dessous des insulae (habitations à plusieurs étages) déjà visibles, l’image d’un port est apparue. Il pourrait donc s’agir d’une cité portuaire fortifiée – peut-être une île ?

Les révélations de la caméra
Si ces nouveaux éléments n’ont pas jusqu’à présent permis d’identifier la ville représentée, le directeur de la Surintendance Eugenio La Rocca a en revanche de nouvelles certitudes quant à la destination du bâtiment qui abritait ce décor. La présence de deux grandes arcades de différentes portées – la plus grande est de neuf mètres – lui suggère qu’il s’agit de la facade extérieure d’un édifice important. Celui-ci était peut-être surmonté de balcons en saillie qui auraient protégé les entrées situées entre les arcades, tout en permettant de voir les peintures murales. Un bâtiment important donc, probablement la Préfecture urbaine de l’époque de Vespasien, déjà localisée par les sources documentaires dans la zone de la “Poudrière” et intégrée par la suite à la structure des Thermes de Trajan.

La télécaméra introduite dans un trou au bas de la fresque de la cité fortifiée a révélé l’existence d’une peinture représentant une scène de vendanges. Le mur peint se trouve derrière l’autre, sur une paroi orthogonale. Le moniteur a renvoyé aux techniciens de la Surintendance – et plus tard, en téléconférence, aux spectateurs de la Rai International – les images incroyablement bien conservées de trois personnes qui dansent en foulant le raisin dans une cuve, tandis qu’une quatrième cueille des grappes. La pièce qui abrite la fresque semble vide et déblayée de terre, à une profondeur d’au moins cinq ou six mètres sous le niveau du sol actuel. Reste à y accéder en retrouvant l’entrée, peut-être située à la base des grandes arcades.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : La muse et le philosophe

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque