Les Beaux-Arts sur le toit

Le musée de Lucerne selon Ulrich Loock

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 11 septembre 1998 - 692 mots

Le Centre de Culture et de Congrès de Lucerne, dessiné par Jean Nouvel, a accueilli cet été ses premières activités et abritera à son dernier étage, dans un peu moins de deux ans, le Musée des Beaux-Arts. Récemment nommé directeur de cette institution, Ulrich Loock en assurera l’installation.

LUCERNE - Sur les bords du lac des Quatre-Cantons, au centre de Lucerne, existait depuis les années trente un Centre culturel. En 1992, la décision fut prise de doter la ville d’un bâtiment répondant aux mêmes fonctions mais pouvant satisfaire aux exigences contemporaines en matière de spectacles : la nouvelle salle de concert peut ainsi accueillir quelque 1 800 auditeurs. L’ancienne construction a donc été détruite pour céder la place à un bâtiment beaucoup plus vaste dessiné par Jean Nouvel qui, sous une même gigantesque aile, a déployé les espaces distincts  abritant une salle de concert, une salle polyvalente, un centre des congrès et le musée. L’intégration dans le paysage a été l’une des premières préoccupations de l’architecte, qui a dû tenir compte d’un site aussi complexe que l’était le cahier de charges. Unifier le contexte et s’en séparer, associer différentes fonctions sans coupable hiérarchie, donner une identité au lieu sans en faire un carcan : telles sont quelques-unes des contraintes qui ont contribué à forger une sorte de navire qui restera à quai sur les paisibles bords du lac.

Pragmatisme
Si les premiers concerts ont été donnés au mois d’août, le Centre ne sera pleinement opérationnel qu’à la fin 1999. C’est à cette date que le Musée des Beaux-Arts y rouvrira ses portes, sous la férule d’Ulrich Loock, qui fut pendant près de sept ans directeur de la Kunsthalle de Berne. Si son prédécesseur regrettait que le canton n’accorde pas au musée un lieu plus identifiable, Ulrich Loock voit surtout les avantages que cette situation peut apporter à l’institution. Pour la première fois, les collections, qui commencent avec l’art du dix-neuvième et font une large place à l’art suisse, pourront être déployées en même temps que des expositions temporaires sur plus de 2 500 m2. Situé sur les hauteurs du Centre, le musée bénéficiera d’un double éclairage zénithal et artificiel où le visiteur ne sera pas distrait par le paysage extérieur ni par d’encombrants gestes architecturaux. Au contraire de nombreux musées construits au cours des vingt dernières années, l’art ne sera pas ici compris comme un simple faire-valoir.

Mais Ulrich Loock n’a pas attendu la fin du chantier pour débuter ses nouvelles activités. On lui doit de nombreuses expositions depuis l’an dernier (J. Welling, H. Villiger parmi d’autres) qui sont abritées dans un espace provisoire où il se montre fidèle à l’état d’esprit qui prévalait à Berne quand il y exposait des artistes comme Thomas Schütte, Jan Vercruysse, Harald Klingelhöller ou Robert Gober. Changer de lieu n’impose en rien de modifier ses convictions : au contraire, il entend poursuivre son engagement aux côtés d’artistes de sa génération, avec, concède-t-il, un rapport critique sans doute plus exigeant que par le passé et que la curiosité envers les plus jeunes artistes rendra de toute façon inévitable. Pragmatique, soucieux de ne céder à aucune espèce d’académisme, Ulrich Loock entend s’intéresser à Lucerne à des artistes comme Georg Herold ou Tony Cragg, dont les circonstances l’avaient éloigné.

Avec l’exposition d’Eberhard Havekost, né à Dresde en 1967, il témoigne de son attention aux changements de paradigmes en cours dans l’art contemporain. Peintre, profondément influencé par la vidéo, à l’écart pourtant des courants dominants, Havekost est dans une certaine mesure emblématique des contradictions d’aujourd’hui. Si, observe Ulrich Loock, les années quatre-vingt ont été marquées par une grande diversité, la présente décennie a largement été dominée par un certain type d’engagement sociologique avec lequel il se sent peu d’affinités. Le programme d’expositions comme l’enrichissement de la collection (qui bénéficie d’un budget annuel de 300 000 francs suisses) ne rechercheront pas à tout prix une cohérence artificielle mais seront les lieux d’une interrogation sur les bouleversements de l’art et ceux du monde.

Kunstmuseum, espace temporaire, Tribschenstrasse 61, tél. 41 41 410 90 40. Exposition Eberhard Havekost, jusqu’au 4 octobre, ouvert tous les jours sauf lundi et mardi de 12-17h, mercredi jusqu’à 20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : Les Beaux-Arts sur le toit

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