New York

Les maîtres français à l’honneur

Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2007 - 779 mots

Le Metropolitan Museum of Art inaugure ses nouvelles salles de peinture européenne du XIXe siècle.

NEW YORK - Le Metropolitan Museum of Art (Met), à New York, a rénové et agrandi ses salles de peinture européenne du XIXe et du début du XXe siècle. Ce nouvel accrochage, dévoilé le 4 décembre, permet de redécouvrir l’une des plus riches collections de peinture française hors de France, avec des salles monographiques consacrées à Corot, Manet, Degas, Monet, Pissarro, Renoir et Cézanne – les ensembles d’art allemand et britannique du musée pour la même période restent plus modestes.

Réparties sur 745 mètres carrés, neuf nouvelles salles viennent s’ajouter aux vingt et une du deuxième étage inaugurées en 1993. Cette nouvelle présentation est l’œuvre de Gary Tinterow, conservateur en chef du département d’art du XIXe siècle, moderne et contemporain. Membre du conseil d’administration, Drue Heinz a fait don d’une somme dont le montant a été tenu secret pour baptiser les salles rénovées du nom de son défunt époux, Henry J. Heinz II.

Dix-neuf Cézanne
Les regroupements chronologiques et stylistiques n’ont pas cédé la place aux accrochages thématiques aujourd’hui en vogue. Le parcours débute avec Ingres et un ensemble assez mince de Delacroix, Géricault, Constable, Turner et Burne-Jones. L’aile du musée dédiée à la peinture américaine étant actuellement en cours de rénovation, une grande partie de l’espace réservé à l’école de Barbizon est provisoirement occupée par des portraits d’Eakins, de Whistler et de Sargent. La collection gagne ensuite en épaisseur avec une trentaine de Corot – parmi lesquels une cimaise tapissée de vues embrumées de Ville-d’Avray, une commune de la région parisienne. À cet endroit s’ouvre une nouvelle série de salles intimistes, présentant une centaine de paysages esquissés à l’huile et accrochés à touche-touche, provenant pour la plupart d’un don de l’ancien marchand d’art Eugene V. Thaw.

La longue galerie centrale est à nouveau consacrée aux superbes toiles figuratives de Manet et de Courbet. À gauche s’ouvrent les quatre salles réservées aux quarante tableaux de Degas – comportant des espaces séparés pour les pastels – et à ses cinquante-cinq sculptures. À droite, une salle abrite la célèbre Foire aux chevaux de Rosa Bonheur et un tableau d’Henry Lerolle datant de 1885, récemment récupéré dans les réserves et figurant la répétition d’un concert d’orgue en présence des compositeurs Chausson et Debussy. Les salles adjacentes renferment une trentaine de Monet, dix-huit Pissarro (comprenant trois vues des Tuileries), dix-huit Renoir, des œuvres de Sisley, Morisot, Cassatt et une petite rétrospective de dix-neuf Cézanne – un des ensembles les plus saisissants. Les Rodin sont exposés dans de nouvelles vitrines, lesquelles sont disposées le long du couloir courant en face de l’enfilade des salles.

Depuis le dernier réaménagement des salles en 1993, le musée a fait l’acquisition de la collection Annenberg d’œuvres impressionnistes et postimpressionnistes, et reçu en donation la collection Gelman dédiée à l’art du XXe siècle. Or Jacques et Natasha Gelman ont stipulé que les pièces de leur collection devaient rester groupées dans un espace leur étant réservé. Les conservateurs ont fait de leur mieux pour s’accommoder de ces restrictions en accrochant, par exemple, les Van Gogh des Annenberg sur un mur situé près d’une porte d’où l’on peut apercevoir les autres Van Gogh du musée. Mais les exigences des donateurs fragilisent la cohérence chronologique de la présentation du musée.

Lévy-Dhurmer favori ?
Les origines de l’art moderne avaient été jusqu’à présent exposées dans l’aile Wallace, mais ces œuvres « fin-de-siècle » se retrouvent désormais incluses dans l’accrochage du deuxième étage. Dans un même espace, de grandes toiles de Vuillard et de Bonnard voisinent avec des œuvres de Denis et Redon. Une autre nouvelle salle rassemble des œuvres de Zorn, Sorolla, Sargent et Boldini. L’une des innovations les plus réussies est l’intérieur Art nouveau conçu par Lucien Lévy-Dhurmer peu avant la Première Guerre mondiale, et récemment restauré. Cette Salle à manger à la glycine est constituée de fresques pointillistes aux tons pastel figurant une jungle peuplée d’oiseaux exotiques, le tout encadré de décors floraux somptueusement sculptés. Exposée pour la première fois, elle est destinée à rivaliser avec la Jeanne d’Arc de Bastien-Lepage pour obtenir le titre de grand favori des visiteurs.

Il y a encore quelques jours, les conservateurs finissaient d’ajuster l’accrochage des œuvres de Klimt, Ensor, Soutine, Matisse et Modigliani. Une jungle de Rousseau et L’Arlésienne de Van Gogh encadraient une porte ouvrant sur le Portrait de Gertrude Stein de Picasso, une formulation hypothétique sur la manière dont le primitivisme et l’expressionnisme auraient inspiré l’époque moderne. Mais il faudra encore attendre pour que le Metropolitan donne un élan à l’histoire de l’art moderne. Au cours de la prochaine décennie, l’aile Wallace devrait elle aussi être rénovée et ses salles d’art de la fin du XXe siècle et d’art contemporain à leur tour réinstallées.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Les maîtres français à l’honneur

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque