Art brut

Un musée privé à Montpellier

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2016 - 735 mots

La maison-atelier de Fernand Michel a été transformée par deux fils de l’artiste en musée privé d’art brut et singulier.

MONTPELLIER - Casquette sudiste vissée sur la tête et cigare au bec, Fernand Michel (1913-1999) accueillait le visiteur dans le lumineux hall d’entrée de l’Atelier-musée, à Montpellier. Relieur d’art en journée, il donnait libre cours à sa créativité et à son imaginaire débordant, à partir de 17 heures, une fois les portes de son atelier fermé. Au début des années 1960, il se fait une spécialité de l’assemblage de plaques de zinc oxydées qui se métamorphosent en œuvres d’art à connotation érotique, souvent pleines d’humour.

Ce créateur hors les normes a côtoyé de grandes figures de l’art brut comme Slavko Kopac, le conservateur de la Collection de la Compagnie de l’art brut, le galeriste Alphonse Chave, et Alain Bourbonnais, le fondateur de la Fabuloserie.

Après sa disparition, ses deux fils décident de rénover la maison familiale pour la transformer en un musée en hommage à leur père et aux créateurs autodidactes, singuliers et visionnaires. Ils créent une association et, pendant huit ans, Patrick Michel sillonne l’Europe afin de réunir des centaines d’œuvres d’art brut et singulier. Aux nombreux dons faits par les familles ou légataires des artistes, les artistes eux-mêmes ou les institutions qui les hébergent, viennent s’ajouter quelques acquisitions effectuées le plus souvent en ventes publiques.

Situé dans le quartier des Beaux-Arts à deux pas du Corum (Palais des Congrès-Opéra Berlioz), le musée est abrité dans un bâtiment moderne de trois étages, la maison-musée se trouvant en lot arrière. Dans le hall d’entrée, un escalier grimpe au premier étage où sont réunies plusieurs centaines d’œuvres puisées dans le fonds qui en comporte près de 2 300. À droite, une grande pièce est dévolue à l’art brut. « J’ai voulu montrer la diversité de ces créateurs », explique Patrick Michel qui s’est efforcé, quand cela lui était possible, de présenter deux ou trois pièces de chaque artiste. À l’entrée de la salle, une vitrine abrite des œuvres d’Alfred Corinne Marié alias « ACM » : deux de ses architectures débridées bricolées à l’aide de pièces empruntées à d’anciennes machines à écrire et autres composants électroniques volés à des réveils et transistors. Suivent de petites gouaches d’Eugène Gabritschevsky, non loin d’un bel ensemble de poupées faites de cordes, de haillons et de plumes dues à Michel Nedjar. Plus loin : des œuvres symétriques et colorées du peintre médium Fleury Joseph Crépin.

« J’ai fait plusieurs centaines de kilomètres accompagné d’un collectionneur suisse pour aller rencontrer Helmut [Nimczewski] à Hambourg », s’amuse Patrick Michel en guidant le visiteur. Poursuivant : « L’une de ces œuvres de Paul Duhem nous a été offerte par Bruno Gérard, le directeur du département d’Art brut du Centre La Pommeraie (en Belgique) ».

Un parcours peu ordonné
Les œuvres sont alignées les unes à côté des autres sans que l’on perçoive clairement les lignes directrices du parcours. Quelques artistes singuliers tels Gaston Chaissac ou Simone Le Carré-Galimard apparaissent un peu perdus au milieu de cet ensemble consacré à l’art brut. De belles pièces comme ces étranges silhouettes perforées de trous signées Carlo Zinelli ou ce Roi enrhumé de Friedrich Schröder-Sonnenstern côtoient des œuvres plus modestes et de petit format de maîtres de l’art brut comme Walla ou Aloïse. « Il nous manque notamment un [Martin] Ramírez et un [Henry] Darger. Mais, compte tenu de leur cote, et faute de subventions, nous n’avons pas les moyens d’en acquérir », déplore le directeur de l’Atelier-musée.

À l’étage, une passerelle dessert un second espace voué aux artistes singuliers. Là aussi, les œuvres sont souvent fortes et de qualité comme cette poignante pièce de Jephan de Villiers intitulée Le Peuple sous l’écorce. Dans une petite salle sont réunies quelques figures du Folk art américain parmi lesquelles Mose Tolliver, Dwight Mackintosh, Purvis Young et Mary T. Smith.

Suite de la visite au rez-de-chaussée de l’immeuble. Après avoir traversé un joli petit jardin orné de sculptures, le visiteur arrive dans l’ancienne maison où a vécu et travaillé Fernand Michel. Dans une première salle sont exposées quelques-unes de ses œuvres en zinc, à côté de son atelier de reliure conservé en l’état. À l’étage, place aux œuvres d’artistes qui étaient ses amis, Gérard Eppelé, Jean-Joseph Sanfourche ou encore François Rouan, apparemment très séduit par ses « byzantines, baroques et maniérées Nanas ».

L’atelier-musée

Nombre d’artistes : 250
Nombre d’œuvres : 750

L’Atelier-musée, Arts brut, Singulier & autres

1, rue Beau-Séjour, 34000 Montpellier, tél. 04 67 79 62 22, www.atelier-musee.com, du mercredi au dimanche 10h-13h, 14h-18h, entrée 8 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Un musée privé à Montpellier

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