L’inversion des courbes

Le législateur qui réclame à juste titre des indicateurs pour évaluer l’efficacité des politiques publiques regarde-t-il vraiment ceux qui lui sont communiqués ? On en doute à lire ceux du ministère de la Culture dans son projet de budget. Parmi 47 objectifs, dix sont signalés comme « les plus représentatifs de la mission ». En matière de politique patrimoniale, le ministère veut ainsi augmenter le chiffre de 43 millions de visiteurs reçus en 2014 dans les musées et monuments. Quelle est sa cible pour 2017 ? « plus de » 40 millions. Conclusion, si la courbe de fréquentation baisse à 41 millions, le ministère s’estimera satisfait. Même scénario dans le domaine de la « Transmission des savoirs » où la Rue de Valois veut accroître le taux d’insertion professionnelle des diplômés des écoles d’art qui est actuellement de 72,21 %. Très bien, mais pourquoi viser un taux de seulement 70 % pour 2017 ? Même frilosité pour la « part des artistes bénéficiant pour la première fois de commandes, d’acquisitions et d’aides à la création par l’État » où le taux cible (plus de 48 %) est déjà atteint en 2015.

En revanche, le ministère est plus volontariste lorsqu’il s’agit du pourcentage d’enfants et de jeunes bénéficiant d’une action dans le cadre du grand programme d’éducation artistique et culturelle. Ce taux a bondi de 28,82 % en 2013 (admirons la précision) à 37 % en 2015, et le ministère vise 42 % pour 2016…, mais à peine 43 % pour 2017. Fleur Pellerin aime les tableaux surtout lorsqu’ils sont remplis de chiffres et on ne peut que lui donner raison de vouloir mettre un peu de rationnel dans la prise de décision. Son projet de loi voté le 6 octobre à l’Assemblée nationale avant sa présentation au Sénat prévoit ainsi la création d’un « observatoire de la création artistique » collectant les données des entreprises du secteur. Encore faut-il que ces courbes ne servent pas uniquement à de la figuration.