Organiquement vôtre

Le corps et l’esprit se retrouvent à Toulouse

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 8 janvier 1999 - 528 mots

Un phallus géant flottant dans les airs signé Atelier van Lieshout, un mur recouvert par Michel Blazy de purée de brocolis moisissant peu à peu, une usine miniature conçue par Erwin Driessens et Maria Verstappen qui fabrique des étrons en cire, telles sont quelques-unes des œuvres réunies à Toulouse dans « Organic ». Dépassant les tabous de la chair, du cycle de la vie, de la décomposition, voire, en dernier lieu, de la prothèse, l’exposition se conçoit, loin de tout propos écologique, comme une possible rencontre du dualisme humain, du corps et de l’esprit.

TOULOUSE - Les maîtres hollandais des XVIIe et XVIIIe siècles laissaient parfois, dans les corbeilles de leurs natures mortes, quelques fruits piqués de vers, voire complètement gâtés, symboles du cycle de la vie. “Memento mori”, “Souviens-toi de la mort”, semblaient-ils lancer allégoriquement, non sans une arrière-pensée religieuse. Quelques centaines d’années plus tard, Anya Gallacio a installé à Toulouse une guirlande de marguerites rouges qui, au cours de l’exposition, vont peu à peu se flétrir, pourrir, se désintégrer. Idem pour le mur de purée de brocolis et de pommes de terre que Michel Blazy a conçu spécialement dans l’une des salles du Palais des Arts. À l’image de la Fabric miniature d’Erwin Driessens et Maria Verstappen, qui produit inlassablement des étrons en cire puis les détruit, certaines œuvres d’“Organic” s’attachent à la notion même de cycle vital, mais sans contenu idéologique particulier. Cette préoccupation est également au centre des trois belles pièces de Hans Haacke : Blue Sail (1965), Condensation Cube (1963-1965) et Grass Grows (1969).

Dans l’entrée du Palais des Arts, l’Atelier van Lieshout a suspendu le Pitoyable, un grand phallus stylisé relié à deux testicules, qui renvoie ici à sa fonction de reproduction, de don de la vie. Plus loin, Wendy Jacob insuffle aux murs un souffle vital. L’organique, c’est aussi la prolifération, comme les milliers de clous sur les troncs d’arbre de Hubert Duprat (Coupé/Cloué), ou les pois obsessionnels de Yayoï Kusama qui saturent l’espace clos qu’elle a conçu spécialement pour l’exposition.

De drôles d’appendices
L’organique est ici entendu dans tous les sens du terme, jusqu’à la substitution de la chair par des prothèses. Aux objets étranges de Max Mohr répondent, au Musée d’histoire de la médecine, ceux de Matthieu Manche. À côté de ses créations portables, témoignant parfois d’une inspiration quelque peu médiévale, ce dernier a collé sur les vitrines du musée de drôles d’appendices qui ne sont pas sans évoquer la pièce de Lieshout. Le musée accueille encore à merveille les étranges animaux empaillés de Thomas Grünfeld, définitivement débarrassés de leur chair et atteignant une immortalité virtuelle, tout au moins d’un point de vue corporel. Ainsi, la boucle semble bouclée, de la vie à la mort, du corps à l’esprit. Éclectique, l’exposition, qui décline quelques possibles cycles, se présente avant tout comme une première approche d’un ensemble de thèmes de recherche distincts mais connexes de l’art contemporain.

ORGANIC

Jusqu’au 30 janvier, Palais des Arts, École des beaux-arts, 5 quai de la Daurade, 31000 Toulouse, tél. 05 61 23 25 45, et Musée d’histoire de la Médecine, Hôtel-Dieu, 2 rue Viguerie, 31000 Toulouse, tél. 05 61 77 84 25, tlj sauf mardi 11h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°74 du 8 janvier 1999, avec le titre suivant : Organiquement vôtre

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