Art contemporain

XXE SIÈCLE

Les mystérieux enchâssements de Louise Nevelson

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 29 août 2022 - 485 mots

VENISE / ITALIE

La sculptrice américaine revient à Venise avec un bel hommage présenté au sein des Procuratie Vecchie.

Venise. Sculptures, reliefs, assemblages ? Post-cubisme, post-dadaïsme, post-constructivisme, minimalisme singulier ? Peu importe, car même épuisé par le grand barnum de la Biennale de Venise, il ne faut pas rater, l’exposition de Louise Nevelson, née près de Kiev en 1889 mais dont la famille s’installe aux États-Unis en 1905 (où elle décèdera en 1988). Peu connue en Europe, en raison en particulier des dimensions souvent monumentales de ses œuvres, difficiles à transporter, elle est célèbre dans son pays d’adoption.

La rétrospective, très complète, se déploie dans un lieu récemment rénové, les Procuratie Vecchie, sur la place Saint-Marc [lire le JdA no 589, 13 mai 2022] . Elle permet de suivre l’évolution de la carrière de Nevelson depuis ses premiers travaux, des assemblages fixés sur des panneaux réalisés avec des objets trouvés, parfois des déchets (Sans titre, 1957). « Quand vous mettez des choses ensemble, des choses que d’autres personnes ont jetées, vous les ramenez vraiment à la vie – une vie spirituelle qui surpasse la vie pour laquelle elles furent initialement créées », déclare l’artiste dans un texte cité par les Procuratie.

Sans doute reconnaît-on dans ces œuvres l’influence de Kurt Schwitters – Nevelson séjourne à Munich et suit les cours de Hans Hofmann en 1931. Cependant, à la différence de l’artiste dadaïste et de son désordre spontané, les constructions de l’artiste américaine sont à la recherche d’un équilibre qu’elle atteindra par la suite avec ses « boîtes ». Ces travaux iconiques sont réalisés en bois – le grand-père de Nevelson était marchand de bois et son père travaillait dans l’industrie du bois. Ces sculptures-reliefs, des panneaux recouverts de peinture noire, sont faites de formes géométriques, rectangulaires ou arrondies, parfois fixes, parfois mobiles, formes comme panneaux s’emboîtant les uns dans les autres. Décentrées, ces structures ne sont pas sans rapport avec le all-over pratiqué par les expressionnistes abstraits, comme s’il s’agissait de leur version tridimensionnelle. Chaque composant évoque un élément d’ameublement et l’alignement frontal transforme le tout en un mur imposant. Remarquons qu’en 1932 déjà Nevelson aide Diego Rivera à réaliser une œuvre murale pour la New York Workers School.

Des autels laïques

Une autre source d’inspiration vient probablement de ses visites de sites archéologiques et surtout des façades d’édifices précolombiens au Mexique. Ces blocs infranchissables, ces autels laïques mystérieux tiennent ici le spectateur à distance (Sky Cathedral, 1970-1975, [voir ill.]). Si le noir reste dominant dans sa production plastique, Nevelson fait également appel au blanc et à l’or. Plus tard, elle introduit par le Plexiglas des effets de transparence.

Entre sculptures et environnements – ses œuvres sont fréquemment installées dans des lieux publics –, elle occupe l’espace avec force et élégance. Le magnifique ensemble réuni par la Louise Nevelson Foundation rend hommage à l’artiste à l’occasion des 60 ans de sa représentation des États-Unis, lors de la Biennale de Venise de 1962.

Louise Nevelson. Persistence,
jusqu’au 11 septembre, Procuratie Vecchie, place Saint-Marc, Venise.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Les mystérieux enchâssements de Louise Nevelson

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque