Les fantômes du chicanisme angelinos

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 19 juin 2008 - 337 mots

En 1972, les membres du groupe Asco exposèrent au LACMA d’une manière certes cavalière, mais inoubliable : ils bombèrent un mur du musée, soulignant ainsi la difficulté pour des artistes d’origine mexicaine d’être reconnus par cette vénérable institution.

L’acte de guérilla serait aujourd’hui considéré par les autorités comme un acte de félonie et passible de prison. À l’époque, il contribua à attirer l’attention sur cette « minorité » massive à Los Angeles. L’attaque du mur renvoyait de surcroît à la tradition muraliste mexicaine, celle-là même qui influença parmi les plus grands artistes américains parmi lesquels Jackson Pollock.
En ouvrant l’exposition « Phantom Sightings » sur la photographie de ce mur délictueux, l’institution municipale angelinos donne le ton et trace sa généalogie. La plupart des quelque trente artistes rassemblés dans ce vaste panorama d’une centaine d’œuvres n’étaient même pas nés lors de la performance historique. Et d’ailleurs, le décalage est bien grand entre cette introduction politique, l’affirmation d’une ethnicité et le soin que mettent de nombreux artistes à ne pas se laisser enfermer dans ce label de « post-chicanisme ».
La presse américaine n’en finit pas de faire le lien avec ce mouvement sociétal réel et massif, la post-ethnicité dont le candidat Obama est le parfait exemple. Faire oublier son origine, s’insérer jusqu’à oblitérer cette donnée, l’intégration jusqu’au-boutiste frappe aussi les artistes rassemblés à Los Angeles. La plupart sont originaires de cette ville et si certains travaillent sur les codes culturels des Chicanos allant jusqu’à un certain sens du toc kitsch, beaucoup d’entre eux, délaissant aussi sûrement le terrain du politique, offrent un art globalement urbain.
Ruben Ochoa, star montante de la scène angelinos, est un adepte de car-culture, et s’intéresse autant aux autoroutes qu’au polish des capots. Son projet de recouvrir certaines palissades de béton encadrant les voies rapides de photographies dévoilant le paysage à l’arrière témoigne d’un travail passionnant, mais pas franchement auréolé de « mexicanitude » !

« Phantom Sightings », Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles (États-Unis), www.lacma.org, jusqu’au 1er septembre 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°604 du 1 juillet 2008, avec le titre suivant : Les fantômes du chicanisme angelinos

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