Photographie

Les collections photo du Centre Pompidou et de Marin Karmitz en duo

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2023 - 732 mots

PARIS

En présentant les deux fonds, l’exposition propose une histoire de la représentation de la figure humaine aux XXe et XXIe siècles.

Paris. La genèse de l’exposition « Corps à Corps », actuellement au Centre Pompidou, remonte à 1996 lors de l’invitation faite à Marin Karmitz par Antoine de Galbert de présenter sa collection photographique à la Maison Rouge. Julie Jones, alors jeune attachée de conservation au cabinet de la photographie du Musée national d’art moderne [Mnam] doit rédiger les notices des œuvres. Elle découvre ainsi la collection que le cinéaste, producteur et fondateur du réseau de salles MK2 lui commente. « Excepté ce que j’en avais vu aux Rencontres d’Arles [en 2010 dans l’exposition « Traverses : la collection photographique de Marin Karmitz »], je ne la connaissais pas bien », précise-t-elle. De son propre chef, elle a poursuivi ces entretiens avec le collectionneur, « intéressée à la fois par la manière dont Marin Karmitz parle des photographies qu’il a acquises et par ce qui distingue sa collection de celle du Mnam ou la complète. La collection Karmitz est en particulier bien dotée en photographes américains, absents des collections du Mnam », dit-elle.

L’idée de fondre les deux collections dans une exposition commune sur le thème de la figure humaine, très présente dans la collection Karmitz, a germé. Elle s’est accompagnée de leur souhait de mener des réflexions notamment sur les relations entre collectionneurs privés et collections publiques, et ce qu’enseignent les différences et les similitudes de leur regard sur la photographie. Nommée conservatrice au cabinet de la photographie du Centre Pompidou, Julie Jones a mis en œuvre le projet pour offrir aujourd’hui une histoire subjective de la représentation humaine en photographie.

On ne peut s’attacher qu’aux seules œuvres et se laisser emporter par leur contenu sans prêter attention à leur propriétaire tant chacune raconte beaucoup choses de leur auteur, de leur époque et de la manière de représenter visage et corps. Les pièces historiques ou contemporaines, inattendues ou méconnues dialoguent et s’unissent dans une grande fluidité. Le noir et blanc domine alors que le XXe siècle et les débuts du XXIe se font sombres, subversifs, contestataires ou mémoriels.

Organisée en « pas de deux », la série d’autoportraits et de portraits en plan rapproché réalisés dans les années 1910 par le Polonais Stanislaw Witkiewicz est placée face aux plans rapprochés que Constantin Brancusi a faits à la même époque de ses premières têtes sculptées. De la même manière, les portraits de passagers dans le métro à New York en 1938-1941 signés Walker Evans, Louis Stettner en 1946 ou dans le métro parisien par Chris Marker en 2004-2009, placés bien plus loin dans le parcours, se répondent habilement.

L’esthétique du photomaton inspire les artistes depuis les années 1920

Chaque section (sept au total) réserve son lot d’associations d’auteurs d’époques différentes. Les usages du photomaton et de son dispositif esthétique des années 1920 à nos jours réunissent ainsi les surréalistes, Christian Boltanski, Mathieu Pernot et l’artiste israélien d’origine belge Alain Baczyncky. Ce dernier, moins connu, a chroniqué, de 1979 à 1981, les effets de sa psychanalyse à Paris en se rendant après chaque séance dans la cabine photomaton proche du cabinet de son analyste. La dernière section « Spectres » consacrée aux usages du flou, du photomontage, des ombres ou des reflets présente d’autres associations de photographes aussi différents que Lisette Model, Susan Meiselas, Smith [voir ill.], Chantal Stoman, Stéphanie Solinas, Michael Ackerman ou le méconnu en France Val Telberg [voir ill.], figure du surréalisme américain de l’après-guerre.

Dans ces dialogues à résonances multiples, on aurait toutefois aimé entendre Marin Karmitz et le Centre Pompidou parler de leurs collections, de la manière dont chacun a constitué la sienne, et ce qui les rapproche et les distingue. Aucun entretien filmé leur donnant la parole n’a été prévu dans l’exposition. Si le catalogue supplée à cette lacune, elle ne le fait que pour Marin Karmitz et nullement pour le Mnam.

Une analyse des quinze dernières années aurait été intéressante sur la manière dont le musée enrichit ses collections (achats, dations ou dons). Dans la perspective de cette exposition, des achats de photographies de Val Telberg, Alain Baczyncky, ou Smith, entre autres, ont été ainsi menés entre 2022 et 2023. Marin Karmitz a fait don d’un ensemble d’autoportraits et de portraits de Witkiewicz, absent des collections du Mnam, après avoir soutenu en 2019 l’acquisition de la maquette originale de l’ouvrage Ci-Contre, œuvre majeure du modernisme des années 1930.

Corps à Corps. Histoire(s) de la photographie,
jusqu’au 25 mars 2024, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°617 du 22 septembre 2023, avec le titre suivant : Les collections photo du Centre Pompidou et de Marin Karmitz en duo

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