Sculpture

XIXE SIÈCLE

La sculpture polychrome, un genre à découvrir

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 2018 - 666 mots

Le Musée d’Orsay révèle la variété de la sculpture en couleurs dans la France de la deuxième moitié du XIXe siècle grâce à la présentation d’œuvres rarement montrées au public.

Paris. En exposant des sculptures polychromes dès son ouverture, fin 1986, le Musée d’Orsay rompait avec les habitudes. Dans le catalogue de l’exposition actuelle « En couleurs », Andreas Blühm, directeur général du Groninger Museum (Pays-Bas), raconte comment, dans les années 1994-1995 encore, les responsables des musées de France, d’Angleterre et d’Allemagne ignoraient que de telles œuvres datées du XIXe siècle se trouvaient dans leurs réserves. Le conservateur et commissaire Édouard Papet retrace, lui, la difficulté qu’eurent les artistes du XIXe siècle à vaincre les préventions des amateurs d’art et surtout des critiques envers la sculpture en couleurs : « Fondamentalement, la polychromie introduisait une esthétique du désordre. »

C’est à cette révolution culturelle que s’attache l’exposition où seuls les artistes français sont étudiés. Le fait de se cantonner à cette aire a permis à Édouard Papet de constituer un répertoire sommaire des sculptures polychromes des années 1848-1914 dans les collections publiques françaises, publié à la fin du catalogue. « Nous sommes parvenus à un peu moins de 1 000 objets, précise le conservateur. Ce répertoire va être transformé en une base consultable à partir de novembre ou décembre et que nous abonderons au fur et à mesure. »

Peinture sur marbre

Une brève évocation de la sculpture polychrome à travers le temps ouvre l’exposition. Deux œuvres du Louvre, le « Maure Borghèse » et la Vierge à l’Enfant avec trois chérubins attribuée à Andrea Della Robbia, ainsi que la fameuse « Tête Wicar » du Palais des beaux-arts de Lille en constituent des jalons, la première moitié du XIXe siècle étant représentée par des portraits-charges de Daumier et la Lampe de saint Michel (1829-1830) de Félicie de Fauveau.

Le visiteur entre ensuite dans les années 1850-1914 avec des sculptures inspirées de l’antique, à l’exemple de l’Hélène (1885) d’Henri Lombard dont le marbrier, Jules Cantini, a travaillé des pierres de différentes couleurs, tandis que Jean Léon Gérôme exerçait ses talents reconnus de peintre sur le marbre de ses sculptures. Le Moyen Âge et la Renaissance furent aussi des références pour les artistes. Le portrait imaginaire en pied de Bernard Palissy (1876), dû au sculpteur Charles Octave Levy et au céramiste Théodore Deck, est un tour de force : le personnage est légèrement plus grand que nature. Deux statues du même Palissy, l’une en faïence polychrome, l’autre en biscuit de porcelaine tout juste restauré, se côtoient dans une belle scénographie.

La technique de la cire peinte est illustrée par le Jeune prince de la famille Médicis (1890), de Jean Désiré Ringel d’Illzach. Henry Cros a connu un succès considérable avec ce matériau, en ronde ou demi-bosse comme dans Le Prix du tournoi (1873). Cette première salle se conclut sur « L’opulence éclectique » où figurent des chefs-d’œuvre. Ainsi de La Nature se dévoilant à la Science (1899), d’Ernest Barrias, dont l’original de pierre, plus grand que nature, est doublé d’une précieuse réduction chryséléphantine (1903) témoignant du succès du modèle. Les petites sculptures sont d’un charme fou, qu’il s’agisse de scènes orientalistes (Jeune fille de Bou-Saada, 1890, Barrias) ou tirées de la littérature (Le Chevalier Raymondin et la Fée Mélusine, 1894, de Jean Dampt, collection particulière).

La salle suivante est consacrée au symbolisme avec des œuvres remarquables telles La Mort (vers 1901) de Pierre Roche ou La Paix au foyer (1900) de Dampt. Une vitrine présente des portraits sur toute la période, montrant le parti que les sculpteurs pouvaient tirer de la polychromie, de Claudel à Renoir. Enfin, la céramique fait l’objet de deux salles, mettant en exergue la manufacture de Jules Loebnitz, mais aussi les créations de Carriès, Jouve ou Rodin, dont le Jean d’Aire vêtu monumental (1903-1904) avoisine La Femme au singe (1908) de Camille Alaphilippe. La fin du parcours ouvre sur la modernité, où se mesurent, face à face, la Petite Danseuse de quatorze ans (1921-1931 pour la fonte) de Degas et La Poupée (1935-1936) de Hans Bellmer.

en couleurs, la sculpture polychrome en france, 1850-1910

jusqu'au 9 septembre, Musée d'Orsay, 1, rue de la Légion-d'Honneur, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : La sculpture polychrome, un genre à découvrir

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