Art ancien

Jules Dupré, portraitiste de la nature

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 334 mots

Fidèle à ses expositions ambitieuses, le musée de L’Isle-Adam présente la première exposition monographique de Jules Dupré (1811-1889).

Car si des toiles du peintre figurent dans les plus prestigieux musées du monde, l’artiste, que l’on cite volontiers, est rarement de ceux que l’on analyse. C’est là le revers du succès d’un genre et, avec, d’un groupe que sont le paysagisme et l’école de Barbizon. Aussi les toiles de Corot, Daubigny, Rousseau et Vlaminck ne sont-elles que les luxueux étais d’une brillante investigation.

À l’abri des étiquettes et des poncifs, le commissaire a doté l’exposition de prêts insignes, provenant d’une vingtaine d’institutions hexagonales, et a rendu, avec une efficacité toute littérale, sa démonstration exemplaire. La preuve par l’image donc. Et pour images, des œuvres saisissantes dont les protagonistes, comme chez un Ruysdael, sont d’autant plus rares qu’ils s’effacent au profit de la seule qui vaille : la nature.

Une Nature majuscule qui est toujours retravaillée de mémoire dans l’atelier. Car Dupré, qui connaît la leçon de Gainsborough et de Turner, ne se satisfait pas du seul plein air. Il lui faut retoucher ses toiles comme l’on retouche un visage, parfaire l’idée de nature en la suggérant plus qu’en la peignant servilement. Ainsi ses arbres majestueux disputant aux cieux tumultueux le rôle principal. Ainsi ses marines aux cieux incendiaires et pourpres où semble sourdre une menace ineffable.

Scrutant l’essence irréductible d’un arbre, d’un nuage ou d’une vague, Dupré compose une peinture recueillie et équilibrée d’une savante précarité. Un souffle de vent ou une goutte de pluie et l’édifice s’effondre, le maquillage craque et la nature s’emballe. Se déchaîne peut-être. L’imminence d’un danger, quand le calme semble toujours précéder la tempête. Poursuivi par la nature, Dupré le fut depuis son nom prédestiné. Il le fut aussi jusqu’au nom du mal qui l’emporta, la « maladie de la pierre »…

« Au fil de l’Oise, de Dupré à Vlaminck », musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq, 31, Grande Rue, L’Isle-Adam (95), tél. 01 34 69 45 44, jusqu’au 16 septembre 2007.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Jules Dupré

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