Art moderne

XIXE-XXE SIÈCLES

Étienne Dinet, l’Algérie vue de l’intérieur

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 7 mars 2024 - 421 mots

L’Institut du monde arabe consacre une rétrospective à ce peintre fasciné par l’Algérie et l’islam, entre orientalisme déclinant et réflexion sur le colonialisme.

Etienne Dinet (1861-1929), Sur une terrasse, un jour de fête à Bou-Saâda, 1906, huile sur toile. © Musée Fabre / Frédéric Jaulmes
Etienne Dinet (1861-1929), Sur une terrasse, un jour de fête à Bou-Saâda, 1906, huile sur toile.
© Musée Fabre / Frédéric Jaulmes

Paris. Arrivé par hasard en Algérie à la fin du XIXe siècle, Étienne Dinet (1861-1929) s’y installe en 1904, et se met à peindre des paysages lumineux et des portraits de femmes, avec un attachement pour « le réalisme », selon le commissaire de l’exposition Mario Choueiry. C’est d’après lui ce qui distingue Dinet de ses contemporains.

Si les premières toiles de Dinet témoignent d’un regard attentif sur les populations locales, ses portraits de femmes ne sont pas dénués d’orientalisme : les visages souriants, les tissus chatoyants, les carnations cuivrées participent d’une exotisation de la femme algérienne. Le peintre se fait parfois ethnologue, dans l’attention qu’il porte aux détails vestimentaires et aux tatouages, indices que les femmes qu’il peignait étaient berbères. Le commissaire avoue que le peintre a aussi produit des toiles de nus féminins typiques de l’orientalisme, y compris dans les années 1920 alors que ce mouvement déclinait : ses « baigneuses au bord de l’oued » à peine majeures sont teintées d’un érotisme faussement sage, au milieu d’une végétation luxuriante aux teintes roses et bleues. Les modèles étaient le plus souvent des prostituées du « quartier réservé », comme celles des toiles d’Eugène Delacroix ou Gustave Guillaumet : Dinet se situe dans la filiation avec ces peintres.

Un artiste remis en lumière après l’Indépendance

Converti à l’islam en 1913, Dinet peint des scènes de prières où le blanc des burnous contraste avec l’ocre rose des paysages, et des portraits de croyants, des toiles qui oscillent entre démarche documentaire et kitsch orientaliste (Portrait d’un muezzin). Le peintre illustre aussi des récits traduits de l’arabe, comme la légende d’Antar, texte médiéval célèbre, et La Vie de Mohammed, prophète d’Allah publiée en 1918 sur commande du ministre des Armées qui voulait honorer les soldats musulmans morts en 1914-1918. Si Dinet n’a « jamais été anticolonialiste », selon Mario Choueiry, il s’est investi dans l’amélioration des droits des musulmans, et a refusé certains honneurs.

Il n’était pas un artiste inconnu, car ses œuvres ont été exposées à la Société des beaux-arts, au Salon des peintres orientalistes et à l’Exposition universelle de 1900 (Paris). Après son décès, il a bénéficié de grandes expositions, puis est tombé dans l’oubli avant d’être remis en lumière après 1962 par le pouvoir algérien. Cette dernière partie de l’exposition aurait mérité d’être développée, pour expliquer comment l’œuvre de Dinet a été transformée en symbole d’une Algérie éternelle au service du récit national du nouvel État.

Étienne Dinet, passions algériennes,
jusqu’au 9 juin, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°628 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Étienne Dinet, l’Algérie vue de l’intérieur

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