Dans la lumière de Dieu

Les maîtres du caravagisme confrontés à Bergame

Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2000 - 463 mots

En dotant la lumière d’un contenu spirituel nouveau, la révolution caravagesque allait nourrir la peinture religieuse du XVIIe siècle, de la Hollande à l’Espagne. Georges de La Tour, Zurbarán et Rembrandt, autant de manières d’interpréter la leçon de Caravage, confrontés à Bergame dans la bien nommée « Lumière du vrai ».

BERGAME (de notre correspondant) - “La Luce del Vero” ou “La lumière du vrai”. Par son titre, l’exposition de Bergame dévoile avec une évidente clarté le lien, à la fois religieux et artistique, unissant les quatre maîtres présentés dans les salles de la Galleria d’Arte Moderna e Contemporanea. Caravage, Georges de La Tour, Francisco Zurbaràn et Rembrandt, tous ont partagé ce goût du vrai – qui éclôt à la fin du XVIe siècle, après les caprices intellectuels du Maniérisme – et de la lumière, comprise dans sa double acception physique et surnaturelle. Comment ne pas penser à ce rai de lumière qui traverse obliquement la Vocation de saint Matthieu de Caravage, à Saint-Louis-des-Français ? Une lumière, capable de modeler les volumes en même temps que d’évoquer la voix du Seigneur, de spiritualiser le réel.

Après avoir médité, pendant sa formation lombarde, le luminisme des Foppa, Moretto et Savoldo, Caravage, une fois à Rome, élabore une poétique nouvelle, dans laquelle la lumière, naturelle et artificielle, se charge de sens plus profonds. Ses recherches nourrissent le renouveau de la peinture religieuse en Europe. Parmi les œuvres de Merisi, figurent notamment l’inoubliable Mise au tombeau prêtée par les Musées du Vatican, le Couronnement d’épines de Vienne, le Saint Jean de Tolède, Le Sacrifice d’Isaac de la collection Piasecka Johnson de Princeton. Nourri d’un caravagisme soit italien soit nordique – la question reste ouverte –, Georges de La Tour, jamais exposé en Italie, a su créer dans ses nocturnes un climat unique, dans lequel la lumière confère une dimension abstraite au réel. Six œuvres importantes provenant de musées français et du Museum of Art de Cleveland, et avec un chef-d’œuvre, Le Nouveau-Né, de Rennes, permettent de le vérifier. Auteur de tableaux archaïsants, visionnaires et extatiques, traversés par une lumière qui est à la fois humaine et divine, Francisco de Zurbaràn (1598-1664) est représenté par cinq œuvres, dont le Saint Ambroise du Musée provincial de Séville. Chez Rembrandt, et plus particulièrement dans la deuxième partie de sa carrière, la peinture se fait lumière. Les personnages y acquièrent une singulière présence, en même temps qu’ils semblent habités par la grâce divine.

- LA LUMIÈRE DU VRAI, jusqu’au 17 décembre, Galleria d’Arte Moderna e Contemporanea, 82a piazza G. Carrara, Bergame, tél. 39 035 399 528, tlj sauf mardi 10h30-12h30 et 15h30-19h30, le jeudi jusqu’à 22h30, dimanche 10h30-19h30. Catalogue Silvana Editoriale, sous la direction de Mina Gregori, avec des contributions de Pierre Rosenberg, Alfonso Pérez-Sanchez et Ernst Van de Wetering.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : Dans la lumière de Dieu

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