Art contemporain

XXE SIÈCLE

Cueco en jeune peintre engagé

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2020 - 559 mots

SABLES D'OLONNE

L’exposition consacrée au peintre corrézien Henri Cueco évoque les thèmes dominants de son œuvre sérielle, de la nature à une veine plus politique.

Les Sables d’Olonne. Avec son bel hommage au peintre Henri Cueco (1929-2017), le Musée de l’Abbaye Sainte-Croix n’a pas fait dans la facilité. La manifestation propose un parcours chronologique qui démarre avec ses tout premiers travaux et qui s’achève au début des années 1970. Tâche difficile car non seulement l’artiste pose clairement la question de l’utilité de la peinture, mais aussi car son trajet n’a rien d’un long fleuve tranquille : il se réinvente sans cesse.

À son arrivée à Paris en 1951, le peintre exécute des natures mortes dans la veine post-cubiste colorée, rarement montrées. Puis, un nouveau sujet, le paysage, fait son apparition. Mais, outre l’importance que l’image de la nature occupe dans la production picturale de l’artiste, avec ses trois Rivière (1963-1964), Cueco fait appel pour la première fois à la technique sérielle. Chez lui, toutefois, la série ne se limite pas à une étude des formes pures, mais forme une narration à l’instar de la bande dessinée ou du cinéma. C’est plutôt le terme de « séquence » qui correspondrait mieux à De la salle de bains à la rivière (1965-1967), « découpée en douze petites saynètes […] qui déclinent le même motif – un corps de femme dans une baignoire – dans un camaïeu de vert », écrit la directrice du musée, Gaëlle Rageot. Le format de cette toile et sa couleur ne doivent rien au hasard ; elle fait partie de la salle verte du salon de la Jeune Peinture, lieu hautement politique et dont l’un des dirigeants est Cueco. Chaque membre du comité et du jury s’astreignait à peindre un tableau de 2 x 2 mètres en n’utilisant que la couleur verte, quel qu’en soit le sujet. Ce monochrome figuratif et collectif est à la fois une vision dérisoire de l’avant-garde et de la création individuelle.

Contre l’ordre social

Ainsi, l’œuvre de Cueco oscille-t-elle entre l’histoire de l’art et un regard critique, lucide et ironique, sur la société, sans véritable ligne de démarcation, car quand il rend un hommage respectueusement irrévérencieux à la Danaé de Rembrandt, il la déménage dans un HLM. Cependant, c’est l’œuvre aux accents politiques de Cueco, la série « Les Hommes rouges », qui se trouve au cœur de l’exposition. Nés des événements de 1968, ces personnages ou ces silhouettes dont Les Sables d’Olonne possèdent La Rue (1969, voir ill.) sont des anonymes qui tentent de se libérer du carcan imposé par la rigidité de l’ordre social. Virevoltants, parfois flottants ou tête à l’envers, jamais isolés, ils forment une foule ou, pour employer un titre de Cueco, une Meute (1968-1970). Rien de didactique ici : « J’ai tenté de montrer le désordre comme un ordre, la violence comme nécessité détestable et jubilatoire », déclare-t-il. Stylisés, réduits à des contours nets et à une couleur vive, Les Homme rouges sont le résultat d’une élaboration plastique qui n’a rien à envier aux images de la mouvance du pop art. D’ailleurs, dans un patio en verre, trône une installation monumentale et dynamique, composée de personnages rouges et noirs en contreplaqué découpé, tous pratiquement hors sol. Cette Grande Manifestation (1969-1970) a été présentée dans « The World Goes Pop » à la Tate Modern de Londres en 2015. Mais on le sait, on n’est jamais prophète en son pays.

Henri Cueco, jeune peintre,
jusqu’au 20 septembre, Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, rue de Verdun, 85100 Les Sables d’Olonne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°548 du 19 juin 2020, avec le titre suivant : Cueco en jeune peintre engagé

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