Chroniques de l’âme japonaise

Après Cuba, il y a six ans, et avant Israël, l’an prochain, c’est au Japon qu’il a vécu en immersion, en famille, pendant huit mois. « Pour faire face à la nature toute puissante et à leur vulnérabilité, les Japonais ont mis en place un ordre social très contraignant », explique-t-il. D’où l’existence de personnalités en rupture, qui, ne pouvant se soumettre à ces injonctions, vivent dans un total isolement. De ses échanges approfondis avec une vingtaine d’entre elles, le photographe a tiré dix-sept grands portraits d’une grande sensibilité, à la fois dévoilement intime de la personne et témoignage de l’âme japonaise. Car pour élaborer ses photos, Pierre-Élie de Pibrac suit un protocole particulier lié à la culture du pays. Au Japon, ce sont les ombres, les contes et les mythes qui lui ont inspiré la composition d’une précision extrême de chacune des photos de cette série dénommée Hakanai Sonzai (en japonais Je me sens moi-même une créature éphémère). Réalisées à la chambre, dans des décors naturels et sans lumière artificielle, ces photographies subtiles racontent le sentiment de fragilité et de finitude qui imprègne la culture japonaise. Contrepoint à ces portraits en couleur, une série de natures mortes en noir et blanc, imprimées sur papier de mûrier, suivent, à l’inverse, les codes de l’esthétique formelle japonaise, nous plongeant dans le Japon éternel, dans une nature grandiose d’où l’humain est absent.