Plusieurs chefs-d’œuvre du Caravagisme romain feront le voyage à Hartford, aux États-Unis, pour saluer la restitution à l’Italie d’un tableau de Zucchi, disparu pendant le dernier conflit mondial. Une campagne de restauration préliminaire a permis la découverte d’une toile inédite de Simon Vouet.
ROME (de notre correspondant) - Après de délicates négociations, les États-Unis ont accepté de restituer à l’Italie la Bethsabée au bain de Jacopo Zucchi, l’un des nombreux chefs-d’œuvre disparus dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. En contrepartie de cette restitution, qui interviendra fin juillet, l’Italie accorde au Wadsworth Atheneum de Hartford, propriétaire de l’œuvre depuis 1965, une exposition comprenant deux toiles du Caravage – le Narcisse du Palazzo Barberini et le Saint Jean Baptiste de la Galerie Corsini – et vingt-sept autres des caravagesques italiens, toujours en provenance de la Galerie nationale. Le choix de ces œuvres tient compte des collections du Wadsworth Atheneum, qui peuvent aligner, autour des tableaux romains, une quinzaine de toiles authentiques de Caravage, Gentileschi, Saraceni, etc. Viendront également s’y joindre le Saint Jean de Kansas City, pour une confrontation inédite avec celui de Rome, et une toile de Giovanni Baglione venant de New York.
À cette occasion, a été menée une campagne de restauration d’œuvres habituellement conservées dans les réserves. Un tableau considéré jusque-là comme une copie d’une toile de la Galerie Palatine de Florence, attribuée à Manfredi ou à Grammatica, s’est révélé être La Bonne aventure de Simon Vouet. En dédoublant le revers, est apparue l’inscription en latin “A. SIMOE. VOET. AD. VIVUM. DEPICTA. MDCXVII”. Cette découverte jette quelque lumière sur les débuts de Simon Vouet à Rome, encore assez mal connus. Cette œuvre montre que, dans la seconde décennie du XVIIe siècle, le jeune peintre adhérait à la manière de Bartolomeo Manfredi, principal suiveur du Caravage. La mention “AD.VIVUM.” – “sur le vif” ou “d’après nature” – confirme l’adoption d’un principe fondamental du Caravagisme. Et, comme l’a remarqué Francesco Solinas, le type de l’écriture est identique à celles qui avaient été trouvées au verso de six œuvres de Poussin et d’une de Lemaire ayant certainement appartenu à Cassiano dal Pozzo, antiquaire et mécène. Cela confirme les rapports précoces entre Cassiano – qui sera l’un des plus chauds partisans de la peinture classicisante à Rome – et le jeune Vouet, conquis par l’enseignement du Caravage. De plus, “certains détails indiqueraient une inspiration directe de La Bonne aventure du Caravage, alors propriété du cardinal Francesco Maria del Monte, très lié à Cassiano”, précise Rossella Vodret, commissaire de l’exposition, à l’appui d’une intuition de Solinas.
Outre les œuvres citées, seront envoyées au Wadsworth Atheneum des toiles d’Artemisia Gentileschi, Luca Giordano, Battistello Caracciolo, Orazio Borgianni, ainsi que l’Et in Arcadia ego du Guerchin, expressément demandé par le musée bien qu’il n’ait que peu de rapports avec le thème choisi. Après Hartford, l’exposition, à quelques œuvres près, sera présentée à São Paulo du 6 août au 6 octobre.
CARAVAGE ET LES CARAVAGESQUES DE LA GALERIE NATIONALE D’ART ANCIEN DE ROME, jusqu’au 26 juillet, Wadsworth Atheneum, 600 Main Street, Hartford, Connecticut, tél. 1 203 278 26 70.
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Caravage et caravagesques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Caravage et caravagesques