André Beaudin

La beauté exacte

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 342 mots

Il aura fallu attendre trente-sept ans. Trente-sept ans après l’exposition inaugurale du Grand Palais en 1970 pour que des cimaises accueillent à nouveau l’œuvre d’André Beaudin (1895-1979). Le musée d’Art et d’Histoire de Belfort consacre en effet celui qui, ayant flirté avec de nombreux courants, ne se résolut à en épouser aucun. Mais ce célibat artistique lui valut autant une indépendance salutaire qu’une indistinction cruelle chez les exégètes de la modernité…
Ce « tranquille rival de Dieu » fréquente de 1911 à 1915 l’École des arts décoratifs de Paris. Une fréquentation peu recommandable quand l’avant-garde récuse les genres et les écoles. Aussi est-ce surtout son amitié avec Juan Gris qui lui assure une place de choix parmi ses contemporains, bien qu’à l’ombre du rayonnement du peintre espagnol. Gris est un père et sa mort en 1927 fait de Beaudin un orphelin dans cette jungle peu amène envers les débutants…
Pour seul héritage, Gris laisse à son ami un sésame. Il lui présente le marchand Kahnweiler qui l’expose en 1935 et lui ouvre des portes longtemps fermées. Queneau et Leiris puis bientôt Dubuffet et Éluard saluent ses œuvres cubisantes présidées par un classicisme rigoureux et une palette lumineuse où les couleurs sont autant d’aplats acides et précis. Ses sculptures, telle La Danse (1933) qui conjugue le Laocoon aux expériences de Matisse, attestent la variété de son vocabulaire et la richesse de sa langue.
Mondain, Beaudin devient une figure tutélaire de l’école de Paris d’après-guerre. Comme les porcelaines réalisées par la manufacture Christofle, les peintures des années 1970 sont autant de variations qui, tels des vitraux nourris à l’orphisme, témoignent d’un géométrisme et d’un chromatisme sans faille. Car l’art de Beaudin est avant tout cela : une science de l’équilibre, une équation parfaite et une composition calculée. Aussi, l’une de ses œuvres majeures est-elle ni plus ni moins qu’une mosaïque pour… la faculté des sciences de Jussieu.

« André Beaudin, le peintre du silence », musée d’Art et d’Histoire, château de Belfort, rue Xavier Bauer, Belfort (88), tél. 03 84 54 25 51, du 29 juin au 15 octobre 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : André Beaudin

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