Art ancien

CIVILISATION

Amour toujours

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 6 août 2021 - 464 mots

DAOULAS

À l’abbaye de Daoulas, dans le Finistère, un ensemble d’œuvres et d’objets couvrant une période de vingt-cinq siècles parle et fait parler d’une passion très humaine.

Le cloître roman de l'Abbaye de Daoulas. © Louboutinj, 2011, CC BY-SA 3.0
Le cloître roman de l'Abbaye de Daoulas.
© Louboutinj, 2011

Daoulas (Finistère). Fidèle à une programmation consacrée aux sujets de société (en 2015, une exposition s’intitulait déjà « Petits arrangements avec l’amour »), l’abbaye de Daoulas s’intéresse cette année aux récits qui ont façonné la vision qu’ont de l’amour les sociétés d’Orient et d’Occident. L’Orient, ici, est celui de la civilisation arabo-musulmane, tandis que l’histoire de l’Occident débute avec l’Antiquité gréco-romaine. Les commissaires ont réuni plus de 150 peintures, sculptures, miniatures, estampes, livres, cartes postales, faïences et porcelaines, bijoux et installations, de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Ces œuvres viennent des grands musées français (Mucem, Louvre, Orsay, Institut du monde arabe, Guimet, Quai Branly-Jacques Chirac), mais aussi de nombreux musées régionaux, le Musée d’art et d’histoire de Genève ayant, lui, prêté des miniatures persanes.

Chez les Grecs et les Romains, les mythes et l’histoire telle qu’on la raconte installent un machisme assumé. L’éducation pédérastique des jeunes Grecs vise à les soustraire à l’influence jugée néfaste des femmes, tandis que les Romains présentent Marc Antoine comme un homme dévirilisé, tombé sous le charme vénéneux de Cléopâtre. Une coupe à figures rouges, attribuée au peintre de Briséis (vers 480 av. J.-C.), et La Mort de Marc Antoine, peinte par Pompeo Batoni en 1763, en témoignent. Les chrétiens ont hérité de la vision gréco-romaine de la femme, tandis que le monde musulman a traduit différemment les textes bibliques concernant par exemple Ève ou Marie.

L’un des objectifs de l’exposition est de montrer que la rigidité d’une partie du monde islamique actuel ne doit pas masquer l’importance de la littérature courtoise dans l’espace arabo-musulman tout au long de l’histoire et jusque chez les artistes contemporains. Les miniatures illustrant l’Histoire de Khosrow et Shirin et Laylâ et Majnûn, les peintures sur verre d’Antar et Abla (1re moitié du XXe siècle) par Abou Sobi al-Tinawi, font écho aux représentations de Roméo et Juliette(tragédie inspirée à Shakespeare par Laylâ et Majnûn), de Julie et Saint-Preux (héros de La Nouvelle Héloïse) ou de Paul et VirginieLes Mille et Une Nuits constituent cependant le plus beau pont entre Orient et Occident : les éditions illustrées des traductions françaises sont présentées en regard d’extraits de films. Ailleurs, des carnets de bal évoquent les jeux de séduction des Européennes tandis que Les Rouges et les Noirs (2008), une installation de la Franco-Algérienne Zoulikha Bouabdellah« montre la dualité de la société arabe contemporaine. En présentant ensemble voile et lingerie affriolante, l’artiste confronte la sphère privée et la sphère publique », précise le cartel.

Belle, drôle ou franchement coquine (dans une salle à l’écart), ouvrant des pistes de réflexion, l’exposition est également interactive : le public peut s’y exprimer sur la drague, choisir des chansons d’amour au juke-box ou laisser dans un téléphone des messages personnels que d’autres écouteront ensuite.

Amour, récits d’Orient et d’Occident,
jusqu’au 5 décembre, abbaye de Daoulas, 21, rue de l’Église, 29460 Daoulas.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Amour toujours

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