États-Unis - Art contemporain

Un acteur d’une performance de Marina Abramović poursuit le MoMA pour agression sexuelle

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 29 janvier 2024 - 619 mots

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Il accuse le musée de n’avoir pas réagi quand il a été peloté par des visiteurs lors de la performance réactivée en 2010.

John Bonafede a porté plainte contre le Museum of Modern Art de New York (MoMA), affirmant que les responsables du musée n’ont pris aucune mesure après que plusieurs visiteurs l’aient « peloté » lors d’une performance nue, rejouée dans le cadre de la rétrospective « Marina Abramović: The Artist Is Present » il y a 14 ans ! Il demande une indemnisation pour détresse émotionnelle, interruption de carrière et humiliation.

La plainte a été déposée lundi 22 janvier devant la Cour suprême de New York, en vertu de l’Adult Survivors Act, une loi spéciale de l’État de New York qui, pendant un an, permet aux victimes d’agressions sexuelles dont le délai de prescription a expiré de réclamer justice. Même si la loi a pris fin en novembre 2023, un accord a été passé pour prolonger l’affaire.

Quatorze ans après les faits, John Bonafede poursuit donc le MoMA pour son inaction vis-à-vis des attouchements qu’il aurait subis lors de sa participation à l’œuvre Imponderabilia de Marina Abramović, durant laquelle il devait rester immobile, nu, pendant soixante-quinze minutes face à une femme, également nue, ne laissant que quelques centimètres aux visiteurs pour passer entre eux deux et ainsi accéder à une autre salle de l’exposition.

Il déclare avoir été agressé sexuellement à sept reprises par cinq hommes plus âgés, qualifiant ces intrusions d’« étrangement similaires ». Tous se sont tournés vers l’artiste avant de laisser tomber leur main et de « caresser et tâtonner » ses organes génitaux, « s’attardant un moment avant de passer à la salle suivante ». John Bonafede affirme également avoir été témoin d’un spectateur agressant sexuellement sa co-interprète, en l’embrassant sur la bouche sans son consentement.

Quatre des agresseurs avaient été signalés par l’artiste à la sécurité du MoMA – qui les a expulsés du lieu – et le cinquième directement repéré par la sécurité. Selon John Bonafede, l’un d’entre eux serait un adhérent du musée, dont l’adhésion aurait ensuite été révoquée. Le musée n’aurait en revanche pas communiqué à l’artiste l’identité de ses agresseurs, l’empêchant de porter plainte directement contre eux.

John Bonafede accuse plus spécifiquement les responsables du musée de n’avoir pris aucune mesure pour protéger les acteurs, en avertissant verbalement ou par écrit les spectateurs de ne pas les toucher. Son avocat, Jordan Fletcher, a déclaré en son nom qu’« il devrait y avoir des performances artistiques audacieuses comme celles-ci dans les grandes institutions, mais qu’il faut s’assurer que les artistes soient correctement pris en charge et que leur sécurité soit garantie ».

La rétrospective de 2010 du MoMA a été l’une des expositions muséales les plus marquantes de l’art de la performance, qui a conféré une reconnaissance internationale à l’artiste serbe Marina Abramović (née en 1946). L’exposition mettait en scène trente-huit artistes nus, allongés sous un squelette ou encore debout et immobiles. John Bonafede a participé à l’œuvre Imponderabilia, activée pour la première fois en 1977 par Marina Abramović et son partenaire de l’époque, l’artiste allemand Ulay. Diverses performances, dont Imponderabilia, ont été rejouées l’automne dernier lors d’une monographie consacrée à l’artiste à la Royal Academy of Arts de Londres.

À l’époque déjà, l’exposition new-yorkaise avait été décrite comme éprouvante par de nombreux performers : certains s’étaient évanouis dans les salles, d’autres expliquaient avoir subi des attouchements et des remarques grossières sur leur apparence. Plusieurs médias comme le New York Times avaient fait état du comportement inapproprié de certains visiteurs. Le MoMA avait alors répondu être « bien conscient des défis posés par la présence d’artistes nus dans les galeries » et que des discussions avaient eu lieu « pour s’assurer que les artistes se sentent à l’aide dans les salles, à tout moment ».

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